Par Moez ben khemis En réponse à l'article «Activité privée complémentaire: pour ou contre ?» paru dans le journal La Presse du 14 novembre 2011 nous, jeunes médecins ayant côtoyé de près cette pratique peu académique et paradoxale nous répondons fermement : NON à l'APC. En effet l'APC n'est certainement pas une «faveur» mais bien une simple autorisation accordée aux professeurs universitaires par le ministère de la Santé publique pour pratiquer une activité privée au sein des hôpitaux publics. Cette activité a vu le jour en 1973 avec le mode plein-temps aménagé. Le gouvernement de Monsieur Hedi Nouira a trouvé cette issue pour la simple et l'unique raison du manque réel de médecins universitaires à l'époque. Ce mode montrant ses différents points de faiblesse fut aboli en 1988 avec M. Saededdine Zmerli. En 1995 l'APC renait de ses cendres sous le mode de plein-temps intégral régi par le décret - loi 1643 du 04 septembre 1995. Elle va alors connaitre une autre reprise sous un proche de Ben Ali et ministre de la Santé publique à cette époque. Inutile donc de nous attarder sur les pratiques indignes qui ont fait couler beaucoup d'encre dans les différents journaux tunisiens, mais résumons et répondons en 5 points : 1- Ce mode d'exercice a créé une médecine à 2 vitesses : Une médecine pour les riches qui, moyennant des sommes «dérisoires» peuvent avoir accès aux soins prodigués par d'éminents professeurs et autres maîtres de conférence agrégés dont l'expérience et la compétence n'est certes plus à discuter. Une autre médecine pour les pauvres qui ne peuvent que constater leur impuissance face aux injustices et accepter tous les désagréments et les longues procédures des hôpitaux publics. Malheureux héritage du régime corrompu de Ben Ali. 2- Les dépassements et les exactions enregistrés sont de plus en plus nombreux. Les textes de lois qui régissent l'APC sont constamment bafoués en toute impunité. Certains se font même avocats du diable et vont jusqu'à défendre et justifier ces actes illégaux pourtant punis par la loi! Sous prétexte que les médecins de libre pratique sont largement rémunérés, tout serait permis voire accrédité d'une bizarre légitimité. 3- Aspirer à un meilleur salaire est certes légitime mais escompter le beurre et l'argent du beurre c'est inacceptable. Bénéficier du prestige et du pouvoir acquis en étant universitaire, profiter de tout l'arsenal technique et logistique des hôpitaux publics, ainsi que jouir des 36 heures—, par semaine – faites en 2 jours par leurs collègues en privé, — mais aussi réclamer les avantages du privé en termes de rétribution est un gigantesque paradoxe. Effectivement, le secteur privé garde toujours ses portes grandes ouvertes et quiconque souhaite y accéder ne se fera certes pas prier pour rester dans le secteur public. On nous a assez gavé de menaces de démission et de scenarios catastrophe. N'ayons aucune crainte, la Tunisie moderne et libre a assez de ressources et de compétences parmi ses jeunes et ambitieux médecins pour faire face — et avec la manière – au vide éventuel laissé par les démissions. 4- «Des professeurs devenus la cible d'attaques infondées dès le lendemain de la révolution» ; n'est-ce pas là une drôle de coïncidence. Au temps de Ben Ali nul n'osait critiquer leurs pratiques turpides de peur de représailles sévères et dictatoriales. 27 professeurs se sont vu retirer l'autorisation d'exercice de l'APC. Espérons que bien d'autres suivront pour le bien et la prospérité de nos établissements hospitaliers. D'ailleurs un comité d'enquête ou des journalistes peuvent toujours faire leurs investigations afin de démasquer et dénoncer cette grande arnaque du système de santé publique qu'est l'APC. 5- Les étudiants en médecine ainsi que les internes et autres résidents sont directement confrontés à cette APC. Leurs professeurs -se contentant souvent d'un mobile unique : l'appât du gain- ne s'intéressent plus à leurs devoirs académique et scientifique. Ainsi ces jeunes médecins sont souvent abandonnés à eux-mêmes. Et c'est certes dans certaines spécialités telles que la gynécologie–obstétrique, la chirurgie orthopédique ou la chirurgie générale que les professeurs se font le plus absents. Ils ont sûrement mieux à faire que de transmettre leur savoir à leurs disciples ; éventuels concurrents dans un avenir proche. Enfin, contrairement à ce qu'essaient toujours de véhiculer certains de ses adeptes, l'APC n'est aucunement un acquis que nous tenons à préserver. L'APC n'a laissé derrière elle que désolations et préjudices. Elle a mis à terre nos prestigieux hôpitaux universitaires jadis fleurons et fierté de notre pays. Elle a aussi corrompu les esprits ; ainsi certains médecins n'arrivent hélas plus à se rappeler du sermon d'Hippocrate. Nous répondons à tous ceux qui continuent à se voiler la face et tentent toujours de nous faire croire qu'ils n'œuvrent que pour l'intérêt des générations futures, que nous, jeunes médecins, nous ne sommes pas dupes et que nous sommes assez mûrs et avons une assez bonne présence d'esprit pour faire notre diagnostic : l'APC est la gangrène d'un système de santé publique en faillite. L'heure des vraies réformes a sonné. Alors assez de dégâts. La dictature de ZABA est « abolie » depuis le glorieux 14 janvier et nous ne pouvons que nous en réjouir. L'avenir rayonnant de la santé publique commencerait par l'abolition de l'APC et nous ne pourrons que nous en réjouir davantage.