Par Abdelhamid GMATI Commençons par un syllogisme : «les êtres humains sont imparfaits ; or les hommes politiques sont des êtres humains ; donc les hommes politiques sont imparfaits». Ils peuvent donc, en l'occurrence, se tromper, faire des bêtises, mentir ou commettre des dérapages verbaux ou autres. Nous l'avons constaté ces dernières semaines. Madame Souad Abderrahim, élue nahdhaouie, a voué aux gémonies les mères célibataires. M. Hamadi Jebali, candidat Premier ministre autoproclamé, se félicite de l'avènement du 6e Califat. M. Moncef Marzouki, candidat à la présidence de la République, se déclare opposé à l'octroi du portefeuille de l'Education nationale à Ennahdha. Ces déclarations ont fait l'objet de commentaires allant de la protestation à la condamnation jusqu'à la compréhension et la minimisation, aussi bien dans la rue, les cafés, dans les médias écrits, audiovisuels et électroniques et sur internet. Mais là n'est pas notre propos. Le tollé que ces déclarations ont provoqué a été suivi d'explications, de mises au point, soit directement par leurs auteurs ou par des représentants des partis concernés. Ainsi, M.Abdelhamid Jelassi, nahdhaoui, trouve des excuses aux propos de Madame Abderrahim accusant les «détracteurs» d'Ennahdha de les avoir instrumentalisés. M. Hamadi Jebali, lui, voudrait «lever cette ambiguïté de façon claire et définitive» en expliquant que «mon allusion à la khilafa arrachida visait simplement à s'inspirer de nos valeurs et notre patrimoine politique et de l'héritage civilisationnel de la société tunisienne à laquelle nous sommes fiers d'appartenir. Lequel patrimoine est riche en valeurs de justice, de sincérité, de liberté et d'honnêteté. Je tiens à réaffirmer ici de nouveau et solennellement que notre choix dans la gouvernance politique est celui du système républicain, démocratique, qui tire sa légitimité du peuple et uniquement du peuple, à travers des élections libres et transparentes, dans le respect des libertés et des droits, garantissant l'alternance pacifique au pouvoir». M. Marzouki, qui avait, dans un premier temps, accusé le journal libanais qui avait publié ses déclarations d'avoir déformé ses paroles, a fini par se démentir par le biais de son avocat, lorsque le journal a envoyé la vidéo de ses déclarations à la TV nationale, s'excusant de n'avoir mesuré ses paroles. Là est le hic. Qu'un citoyen lambda se trompe, divague, diffame, commet des dérapages, mente, peut être excusé dès lors que ses erreurs ne prêtent pas à conséquence. Pour un homme politique, c'est plus grave du fait que ses dérapages ou ses mensonges ont de graves conséquences. Le comble, c'est qu'il essaie de se rattraper avec des arguments fallacieux et trompeurs, semant la confusion pour faire oublier leurs dires. Lorsqu'un responsable d'un parti politique émet «des doutes» sur la capacité de M. Jebali à diriger le futur gouvernement, il y a une crise de confiance qui émerge. De même lorsqu'un futur président de la République adopte le langage de la censure (exiger que les journalistes soumettent leurs articles avant publication, était la règle sous la dictature), on s'interroge avec inquiétude sur la liberté d'expression. Un fait est là: les propos de ces hommes politiques ont été dits. Qu'ils se soient mis dans le pétrin est dû à leur inexpérience, à leur amateurisme. Ils ne sont pas les seuls à traîner cette lacune. Il ne s'agit pas non plus de les diaboliser. Mais on ne gouverne pas un pays avec des propos mal étudiés, des lapsus et des dérapages. La confiance repose sur les certitudes, le parler vrai, le courage. Et la première exigence est d'assumer ses propos, ses dérapages. Car «ce qui est dit est dit».