Il va sans dire que la ville est gangrénée par la faillite des valeurs morales qui se sont effritées dans une société en perte de repères. Le problème des femmes célibataires en est une conséquence directe mais aussi et selon les multiples études sociologiques sur la question, il est le résultat de la précarité matérielle et de la fragilité psychologique des jeunes femmes venant de milieux sociaux défavorisés. Et pourtant les femmes célibataires ont toujours été rejetées par la société qui les a vu naître. Les enfants dits de ‘'l'amour'' se retrouvent en mal d'amour parental même si le milieu associatif ne cesse de multiplier les actions pour sauver une enfance abandonnés des affres de la rue et du regard dédaigneux d'une société moralisante. Que dire aujourd'hui si la morale des nahdhaouis s'y ajoute ? Morale, les Nahdhaouis en font plus Cette fois la faute de goût morale, la pauvreté de l'argumentation a été de mise pour résoudre un problème social de fond. Les mères célibataires déjà sanctionnés socialement ont été jugées par Souad Abderrahim comme étant « moralement incorrectes » et qu'elles ne doivent « pas aspirer à un cadre légal qui protège leurs droits. » Pour Souad Abderrahim, protéger, au regard de la loi des mères célibataires serait une invitation à la débauche et une banalisation des valeurs contraires à la morale. L'invitée de ‘'Radio Monte Carlo Doualiya'' considère ainsi que « les libertés doivent être encadrées par les coutumes, les traditions et le respect des bonnes mœurs. » Mais qui est Souad Abderrahim ? Et de quel droit se porte-t-elle garante de la moralité dans la société ? Souad Abderrahim l'étudiante activiste Du temps de sa jeunesse, Souad Abderrahim était militante et membre du bureau exécutif de l'Union générale des étudiants de Tunisie (UGET). Elle est pharmacienne de formation. Souad Abderrahim qui s'habille comme une européenne est considérée par certains observateurs internationaux comme étant la vitrine du parti Ennahdha qu'elle représente à l'Assemblée nationale constituante dans la circonscription de Tunis II. Elle est par-dessus tout une femme. Sauf que là et du haut de ‘'sa morale irréprochable'', madame daigne juger les femmes célibataires, les considérant comme étant des femmes aux mœurs légères et qu'elles sont carrément une « infamie pour notre société conservatrice ». Allons-nous de ce fait corriger le mal par le mal ? Allons-nous sanctionner des femmes que la société rejette déjà, en les reléguant encore plus aux murs de la misogynie? L'Association la voix de l'enfant réagit Amel Jédidi n'en revient pas. La présidente du bureau de Tunis de « l'Association la voix de l'enfant » nous dit, au bout du fil, qu'elle est choquée par de telles déclarations qui émanent d'une femme « C'est scandaleux. Qu'allons-nous faire des mères célibataires ? Est-ce qu'on va les lapider, maintenant ? Exclure les femmes célibataires, c'est aussi remuer le couteau dans la plaie. Les enfants naturels vont illico presto devenir des délinquants et c'est encore du poids social. Ces enfants sont déjà malheureux car ils ne sont pas reconnus par leurs pères, que dire alors s'ils ne connaitront pas leurs mères qui va disparaître de peu d'être sanctionnée. Il faut leur donner de l'équilibre et non pas leur en priver. » dit-elle en expliquant le rôle de l'Association dont elle est membre, et qui depuis 1986 prend en charge les enfants abandonnés et assiste les mères célibataires « Nous avons plusieurs représentations à travers la Tunisie. On a toujours bataillé pour changer les mentalités des Tunisiens, car le concept de ‘'mère célibataire'' est difficile à faire accepter par une société conservatrice. On essaye d'aider ces femmes en leur permettant d'allaiter leurs enfants mais aussi pour qu'elles retrouvent un emploi et peuvent ainsi s'assumer et assumer la responsabilité de leurs bébés. Nous travaillons sous la tutelle du ministère des Affaires sociales et celui de l'Institut national de la protection de l'enfance (INTE), qui donne l'agrément pour adopter les enfants abandonnés. Tous les bébés qu'on accueille sont par la suite adoptés. Et même si le travail se fait au niveau des enfants pour les sauver des affres de l'abandon, il paraît presque évident qu'examiner la situation des mères célibataires permettra de résoudre le problème à la source. » Morale de l'histoire Souad Abderrahim devrait ainsi faire de sa conscience morale une conscience agissante en faveur des plus démunies. N'est-ce pas là l'effectivité de la moralité ? Morale de l'histoire, l'attachement formaliste et strict des nahdhaouis à la morale n'est en fin de compte qu'un mépris de la morale. Mona BEN GAMRA
L'avis de Fawzi Bouaziz, sociologue à l'Office national de la famille et de la population (ONFP) «Nous avons une étude en cours d'exécution qui se fait en tandem avec l'Institut national des études démographiques de Paris. Les résultats seront annoncés sous peu. Jusque-là, les hypothèses qu'on a établies attestent du fait que les mères célibataires sont des femmes appartenant à un milieu défavorisé et qu'elles sont marginalisées. Mais il faut prendre en considération aussi que les femmes objet de l'étude viennent dans un hôpital pour profiter de la gratuité des soins alors que d'autres peuvent se faire soigner à leur propre compte. Je crois que la question serait plutôt d'observer un processus sociologique qui a fait évoluer notre représentation de la sexualité. Qu'est-ce qui fait qu'une femme accouche d'un bébé en dehors de la relation du mariage dans une société arabo-musulmane ? Le profil sociologique de ces femmes montre qu'elles ont une moyenne d'âge de 24 ans qui est nettement inférieur à celui de la moyenne d'âge de mariage pour les Tunisienne qui est de 29,2 ans. On est devant un fait accompli il faut réagir par la positive et ne pas rejeter ces femmes. Mais dans l'avenir, il faut veiller à repenser l'éducation sexuelle des Tunisiens. Une remise en question en ce sens est nécessaire. »