• Des négociations avec des institutions bancaires sont en cours pour adapter les crédits au profit des agriculteurs à la réalité cyclique de l'activité agricole. • En 1960, la superficie moyenne des terres agricoles était de 16 ha, puis de près de 10ha en 2004 et de presque la moitié, moins de 6ha, aujourd'hui. • En 2012, un simple guide de l'agriculteur sera fourni aux professionnels du secteur. De même un guide de l'investisseur pour chaque gouvernorat sera élaboré. Le secteur primaire est primordial. En effet, le peu de croissance qu'on espère réaliser au titre de l'année 2011, et qui ne dépassera pas 1%, sera constitué majoritairement des performances du secteur agricole, relativement bonnes. En plus des retombées économiques, la sécurité alimentaire est tributaire des performances agricoles. Ces enjeux de taille, économiques et sociaux, imposent une allocation judicieuse des ressources naturelles, matérielles et financières pour la gestion des exploitations agricoles, à court terme, mais aussi pour dresser et mettre en œuvre les politiques générales appropriées, en matière de promotion des investissements agricoles et de préservation de l'environnement. Car les résultats et les performances prévisionnelles se dressent au détriment du respect de l'environnement physique. En effet, on a beau mettre en place toutes les politiques avant-gardistes et toutes les expertises, sans capital naturel suffisant, rien ne peut aboutir. A l'avenir, le secteur agricole sera donc appelé à renforcer la croissance économique et garantir la sécurité alimentaire à des coûts compétitifs. Pour ce faire, il est indispensable de mener le rythme et la qualité des investissements agricoles, d'aujourd'hui, dans le bon sens. Autant de questions que nous avons soulevé avec M. Abdellatif Ghedira, D.G. de l'Apia. Entre le marteau du capital naturel limité et l'enclume du grave déficit en compétences et en ressources financières se dresse la réalité effrayante du secteur agricole, qui, malgré toutes les contraintes, continue à créer des richesses et assurer la sécurité alimentaire. Tout le mérite revient aux agriculteurs, les vrais, qui militent pour sauvegarder ce noble métier. Mieux encore, en ces temps de vaches maigres, plusieurs investisseurs sont de plus en plus intéressés par certaines activités agricoles. Leurs études et leurs fonds potentiels sont de nature à créer une dynamique d'investissement favorable à l'assainissement et la promotion du secteur. «De nos jours, l'agriculture est marginalisée, ça se voit, ça se sent et ça se dit», relève M. Abdellatif Ghedira, directeur général de l'Agence de promotion des investissements agricoles. Au-delà des indicateurs qui dévoilent les défaillances de l'agriculture tunisienne, le DG s'est interrogé : «En voyant les terres agricoles inexploitées, on se pose la question : est-ce qu'on peut se permettre de délaisser ce capital?». Bien que cette interrogation soit de nature à responsabiliser tout un chacun, elle ouvre la voie à la recherche des causes en vue de développer une nouvelle approche capable de canaliser les investissements dans ces zones à fort potentiel. L'insuffisance des terres agricoles En Tunisie, on compte 600 mille exploitations agricoles. Par une simple multiplication du nombre de postes à créer dans chacune des exploitations, on démontre facilement le potentiel d'employabilité du secteur. Sans compter les postes de saisonniers. Mais ces calculs ne peuvent se traduire en réalité que si ces exploitations génèrent une rentabilité financière suffisante. Ce qui n'est pas le cas. En effet, 80% des exploitations agricoles ne dépassent pas 5 ha. Avec de telles surfaces, ces terres, bien qu'elles soient à haute productivité, ne permettent pas d'atteindre le seuil de rentabilité. D'ailleurs, l'acquisition d'un tracteur n'est rentable que pour une superficie dépassant 10ha. «On ne peut pas prévoir des bénéfices de l'exploitation de 2 ha de céréaliculture. Il en faut au moins 20ha», explique le responsable. Ce manque de rentabilité dissuade un bon nombre d'exploitants qui chercheront des emplois salariés et délaisseront ce capital terre marginalisé. C'est l'émiettement des surfaces par l'héritage qui a conduit à une telle parcellisation. «En 1960, la superficie moyenne était de 16 ha, de 10ha en 2004 et de presque la moitié, aujourd'hui», s'inquiète M. Ghedira. Et d'ajouter : «Rien n'arrêtera cette courbe». A cela s'ajoutent l'infertilité des terres et la cherté des ressources hydriques. En effet, l'indicateur de fertilité des terres est largement inférieur à ceux des pays concurrents, et même au seuil minimum pour produire. Selon les standards scientifiques, la terre doit disposer au minimum de 1% de matières organiques. Nos terres sont seulement de 0,5% à 0,7%. En revanche, les terres au bord du Nil, en Egypte, sont à près de 5%. Face à un tel gap, les agriculteurs sont contraints d'apporter plusieurs amendements et engrais chimiques qui contribueront, davantage, à l'appauvrissement des sols. «Les pertes se feront sentir sur plusieurs années. Et pour rattraper 0,1 point, il faut des années de travail», indique-t-il. Et d'ajouter «Pis, il n'y a pas de politiques sérieuses pour préserver ce capital pour les générations futures». Outre l'exploitation intensive et l'appauvrissement continu des sols, 2 millions d'hectares de terres agricoles, sur une surface globale de 5 millions d'hectares, sont menacées d'érosion. Sous le signe du partenariat Le secteur souffre, également, de l'inadéquation des mécanismes de financement. La réticence des banques pour le secteur, à part la BNA, est légendaire. «Moins de 10% des agriculteurs ont accès aux crédits bancaires», rappelle le responsable. Et ce, malgré les plans d'affaires dument élaborés par les investisseurs et les structures d'appui, dont l'Apia. «Des négociations avec des institutions bancaires sont en cours pour adapter les crédits au profit des agriculteurs à la réalité cyclique de l'activité agricole» dévoile le DG. En dépit de tous ces constats décourageants, voire préoccupants, se dressent en arrière-plan plusieurs activités agricoles à potentialités d'investissements, de création d'emplois et d'exportations. «A vrai dire, la précocité des récoltes et la disponibilité d'une main-d'œuvre, peu coûteuse, drainent des investissements directs étrangers non négligeables», explique-t-il. Pour ce faire, la mission de l'Apia ne doit pas se limiter à l'octroi des avantages financiers et fiscaux institués par le code d'incitations aux investissements. Mais aussi à l'identification des opportunités d'investissement et des idées de projets à promouvoir par les opérateurs privés tunisiens et étrangers. Et la mise en relation d'opérateurs tunisiens avec leurs homologues étrangers en vue de promouvoir les projets de partenariat et les échanges commerciaux. «Cela commence par la mise à niveau des directions régionales en étoffant leurs équipes et en simplifiant les procédures administratives», précise M. Abdellatif. Bien que les investissements aient affiché une hausse de 10% par rapport à la même période de 2010, sans compter les sociétés de mise en valeur, il convient de rappeler que la lourdeur administrative est de nature à dissuader les investisseurs. Selon les chiffres de l'Apia, 50% de ceux qui déclarent leurs investissements déposent des dossiers pour la décision d'investissements ou à l'octroi des avantages. Probablement, ils se contentent des avantages fiscaux, automatiquement accordés. Dans ce cadre, le DG précise : «Un comité de travail est chargé de résumer les 135 circulaires régissant les investissements du secteur». Et d'ajouter : «En 2012, un simple guide de l'investisseur sera fourni aux professionnels du secteur. De même, un guide de l'investisseur pour chaque gouvernorat sera élaboré ». En effet, la nouvelle approche de l'agence paraît plus agressive. Les compétences de l'Apia s'engageront dans de long processus de démarchage, d'une part avec les agriculteurs en vue de les inciter à investir, et d'autre part avec les investisseurs étrangers en quête de partenaires. «L'année 2012 sera placée sous le signe du partenariat», insiste le directeur. On apprend que les résultats encourageants des premières journées de rencontres ont incité les responsables à programmer d'autres rendez-vous d'affaires. Sans oublier l'organisation de manifestations économiques, de séminaires, de journées d'informations et de rencontres de partenariat, ainsi que la participation aux foires et aux salons spécialisés en Tunisie et à l'étranger. Enfin, les deux cents employés de l'agence trouveront-ils le temps et la motivation nécessaires pour accomplir ces missions, notamment après le traitement en moyenne de sept mille dossiers par an. Etoffer l'équipe de travail de l'agence, simplifier les procédures et collaborer avec les organisations du secteur semblent être des conditions nécessaires pour aller de l'avant.