Par Soufiane Ben Farhat Le ministère de la Formation professionnelle et de l'Emploi et celui de l'Industrie et de la Technologie ont publié, avant-hier, un communiqué commun. Ils y assurent que le total des recrutements à la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG), au titre de l'année 2011, a atteint 2.984 postes. Et ajoutent que les résultats des concours relatifs aux délégations d'Oum Larayès et de M'dhilla ont été proclamés mercredi. Ainsi, 488 candidats sont-ils recrutés à Oum Larayès sur un total de 605 postes disponibles et de 326 candidats à M'dhilla sur un total de 530 postes disponibles. «L'écart entre les recrutements et les postes disponibles est dû à l'absence de qualifications nécessaires dans les dossiers présentés» affirme le communiqué. En somme, les deux ministères ont réagi après que M'dhilla et Oum Larayès aient été mises à sac. Ce faisant, ils croient broder dans le registre de la communication de crise. Et ils se trompent. En fait, les flambées de violence récurrentes dans la région de Gafsa s'articulent entre autres autour de la problématique CPG. Tel a été déjà le cas en 2008. L'insurrection du Bassin minier avait alors préfiguré la Révolution de 2011. Il est vrai que la région de Gafsa pâtit depuis longtemps des affres du déséquilibre régional. Le standard de vie minimum n'y est guère garanti. L'infrastructure sociale d'accompagnement y est défaillante, sinon inexistante. Le chômage et la mal-vie y sévissent et l'ascenseur social est en panne. Bien évidemment, la pauvreté, l'indigence et le dénuement y ont établi leurs quartiers. Mais, depuis quelque temps, la gestion sociale de la CPG dérange. Si elle ne met le feu aux poudres tout simplement. Il faut souligner l'évidence : Il y a un problème de communication sur fond de perte de crédibilité. Et des semblants d'explications encore pires. Tel ce laconique et mystérieux argumentaire : «L'écart entre les recrutements et les postes disponibles est dû à l'absence de qualifications nécessaires dans les dossiers présentés». Cela ne convainc pas. Cela nourrit toutes les conjectures et spéculations, pas toutes innocentes de surcroît. Cela fait enfler le ressentiment et la colère. Et la colère devient violences, destructions, mises à sac. Bien évidemment, il n'est point de violence légitimée de quelque manière que ce soit. Mais encore faut-il comprendre les motivations de certains agissements, même condamnables. A M'dhilla, les actes de vandalisme ont éclaté suite à la proclamation des résultats du concours de recrutement de la CPG. Les habitants de M'dhilla évoquent ouvertement la «manipulation» et les «dépassements» dans les résultats de ce concours (selon une dépêche de l'agence TAP). 503 jeunes y ont été admis au concours, en plus des 200 agents qui seront engagés dans les sociétés chargées de l'environnement et du boisement créées par la CPG. Un témoin a révélé que la liste des admis comprend des membres d'une même famille ou des personnes bénéficiant de sources de revenu régulières. On rétorque que le tri des candidatures (14 mille au total) a été effectué par une commission nationale au sein du ministère de la Formation professionnelle et de l'Emploi. Les gens de M'dhilla contestent pourtant les résultats d'un premier tri assuré par des commissions locales. A Oum Larayès, le siège de la CPG a été totalement incendié selon des témoins oculaires qui affirment aussi que l'entrepôt de la société et son parking ont été pillés. Résultat : Le couvre-feu a été décrété dans le gouvernorat de Gafsa. Bref, des soupçons, réels ou fictifs, et une absence de communication préalable ont tôt fait de composer les ingrédients du coup de grisou social. D'ailleurs, le gouverneur de Gafsa, M. Moncef Hani a flairé l'élément déclencheur des troubles. Il a affirmé avoir demandé aux services appropriés du ministère de la Formation professionnelle et de l'Emploi de suspendre la proclamation de la liste des admis au concours de la CPG dans les délégations de Métlaoui et R'daief, résultats attendus avant-hier, jeudi. Encore une fois, les incuries de certains fonctionnaires murés dans leur bureau, détachés du vécu et aveugles au bouillonnement populaire, nourrissent le drame social. Non, désolé messieurs, dans ce genre de registre, nous n'avons guère besoin de technocrates, si bien intentionnés soient-ils. Le pays a besoin de responsables ayant un sacré flair de la chose publique. Soit une promptitude quasi-innée à la mise en perspective politique. Autrement, re-bonjour les dégâts.