Episode 1 – Tu veux rentrer chez toi ? Prends une amende. La Tunisie s'est arrêtée cette semaine. Zéro bus, zéro métro, zéro train. Grève générale des transports publics, et c'était un « succès » syndical et un cauchemar citoyen. On pouvait presque entendre les klaxons gémir de fatigue, les jambes traîner dans les embouteillages, les chauffeurs renoncer. Un pays bloqué, un peuple à pied. Mais attention, l'Etat veille. Pas pour aider. Non. Pour réprimer. Pendant que les citoyens cherchent désespérément un moyen de rentrer chez eux, le gouvernement annonce fièrement l'arrivée de nouvelles amendes, de tests salivaires pour détecter les drogues, de nouveaux alcootests… Un arsenal répressif dans un désert logistique. On interdit Bolt, on empêche le covoiturage, on n'offre aucun transport de nuit vers les zones touristiques, on ne propose rien, et on punit tout. On ne défend évidemment pas ceux qui roulent ivres morts ou défoncés — il suffit d'avoir emprunté la route Tunis-La Marsa à 3h du matin pour savoir que certaines personnes devraient être interdites de volant à vie. Mais quand il n'existe aucune alternative crédible, interdire devient une hypocrisie d'Etat. Car qu'on le veuille ou non, des gens veulent vivre, sortir, danser, boire un verre, aller en boîte à Gammarth ou Sousse, faire la fête à Hammamet. Et ces gens-là, on ne leur propose rien. Juste ce choix absurde : prendre le risque, ou rester chez soi. Et si tu prends le risque, tu es seul, face à des policiers sans caméras embarquées, à des lois sans pédagogie, à une prison potentielle sans recours. C'est ainsi qu'on étouffe une jeunesse. Qu'on flingue le loisir. Qu'on sabote la restauration nocturne. Qu'on décourage même ceux qui voulaient respecter les règles. L'Etat ne répare rien, n'organise rien, n'accompagne rien, mais interdit tout. Un jour, on comprendra peut-être que l'ordre public ne se fabrique pas avec des tests salivaires. Mais avec des bus. Des trains. Des idées. Et un minimum de respect. Episode 2 – Un nageur en or, abandonné par une nation en apnée Ahmed Jaouadi, 20 ans, champion du monde du 800 mètres nage libre. Une médaille d'or à Singapour. Un chrono d'élite mondiale. Un exploit historique. Une course qui le fait entrer dans la légende. Et derrière lui, qui le soutient ? Personne. Pas la Fédération. Pas le ministère. Pas une seule entreprise tunisienne. Zéro dinar de subvention en 2025. Zéro sponsor. Zéro contrat. Zéro respect. Pour un gamin qui consacre sa vie à l'effort, au dépassement de soi, à la discipline ? Rien. Pas un pot de yaourt. Pas un SMS d'encouragement. Le mérite n'est pas bankable. Il faut dire que chez nous, le sport, on le finance par copinage. On gave le football, même quand il perd. On abreuve les clubs, même quand ils s'écroulent. On sauve les fédérations collectives de leurs faillites programmées. Mais les sportifs individuels ? Qu'ils se débrouillent. Qu'ils s'entraînent seuls. Qu'ils cherchent un coach. Qu'ils paient leurs billets d'avion. Et quand ils gagnent ? On les récupère pour la photo, bien repassés, bien souriants. C'est ce qu'on a fait avec Oussama Mellouli, ignoré jusqu'à sa première médaille. Avec Ons Jabeur, qu'on a laissé partir pour ne pas avoir à l'aider. Et aujourd'hui avec Ahmed Jaouadi, champion du monde malgré la Tunisie, et non grâce à elle. Et quand, demain, il nagera à Los Angeles, ce sera encore à ses frais, avec ses moyens, entouré par d'autres pays. La Tunisie applaudira de loin. Elle tweetera peut-être. Mais elle n'aura rien investi. Ni dans son talent. Ni dans son parcours. Ni dans sa dignité. On subventionne l'échec, on célèbre l'apparence, on ignore l'exploit. Voilà où en est le pays.
Episode 3 – Trump, l'art du deal… et la Tunisie, l'art du déni Il y a des gens qui lisent des livres pour apprendre. D'autres qui les écrivent pour dominer. Et puis il y a Donald Trump, qui a pondu en 1987 un livre devenu best-seller planétaire : The Art of the Deal — L'art de la négociation en français. Dedans, au chapitre 1, il explique sa méthode magique : « Je vise toujours très haut. Puis je pousse. Et je pousse encore. À la fin, j'obtiens moins que ce que je visais, mais plus que ce qu'on voulait me donner. » Trente-huit ans plus tard, il applique toujours exactement la même recette. Et devine quoi ? Ça marche. Cette semaine, l'Europe a signé avec lui un accord sur les droits de douane. Trump avait menacé de monter les taxes à 30 %, il s'est « contenté » de 15 %… et les Européens ont applaudi comme s'ils venaient d'éviter la Troisième Guerre mondiale. Spoiler : ils viennent juste de se faire entuber proprement, avec le sourire. Non seulement ils acceptent 15 % de droits de douane (au lieu de 1,4 % l'an dernier), mais en plus, ils s'engagent à investir des milliards aux Etats-Unis. Tu détruis le système, tu imposes tes règles, tu fais peur… et à la fin, on te remercie. C'est Trump, version réaliste. Pas besoin de missiles. Juste d'une tactique de vendeur de condos new-yorkais. Et pendant que l'Europe négocie à genoux, la Tunisie, elle, n'a même pas plié. Elle a dormi. Aucun déplacement ministériel. Aucune communication. Aucune stratégie. Résultat : 25 % de taxes, et pas même un pot de bienvenue. Nous, on n'a pas lu The Art of the Deal. On a dû lire un autre livre : L'Art de dormir et de faire la sieste. Pas de menace, pas de deal. Pas de présence, pas de respect. La Tunisie n'a pas perdu la négociation, elle n'a même pas été invitée à la table. Moralité : quand un fou furieux joue à fond son jeu, il finit par gagner. Et quand toi tu crois qu'en restant silencieux, tu seras épargné, tu finis avec 25 % de taxes… et une réputation de paillasson invisible.