Son nom en français sonne l'excentrisme; il n'est pas toujours aisé de le prononcer correctement, surtout pour ceux qui sont habitués à des mots ne dépassant pas quatre lettres. Son nom français n'a pas non plus son équivalent dans notre parler local; pourtant, il est le pur produit de certains de nos terroirs. Ce tubercule paraissant un peu bizarre par sa forme, qui rappelle celle du gingembre, a pris une appellation locale formée de deux mots : batâta khorchof, parfois batâta ganneriya, parce qu'il tient de la pomme de terre sa couleur et de l'artichaut sa saveur. Chez les marchands, le mot ganneriya domine. Etant plus prestigieux, l'artichaut allèche et accroche mieux les clients. Le topinambour a une longue histoire, son origine est bien lointaine. Il est né en Amérique, dans la région qu'on nomme actuellement Nouvelle-Angleterre. C'était les Indiens qui le cultivaient pour son rhizome comme légume contenant beaucoup de glucide. De l'Amérique, il a gagné la France puis, il s'est propagé dans beaucoup d'autres régions tempérées, dont notre pays où il peuple certaines zones du Nord-Est et du Nord-Ouest. Sa tige ressemblant à celle du tournesol porte des fleurs qu'on confond facilement avec celles de cette dernière, sauf qu'on ne les consomme pas. Même si sa culture chez nous doit être assez ancienne, plus d'un siècle certainement, le topinambour est resté exotique ; sa vue sur les étals excite la curiosité des passants, qui, cependant, ne sautent pas le pas pour l'acheter, ce qui n'incite pas les marchands à s'en approvisionner. Il fait ainsi des apparitions soudaines et disparaît comme par enchantement. Sa forme bosselée, son goût sucrée et sa teinte beige tirant sur le violet ne nous enchantent pas, nous, inconditionnels du piquant et de l'acidulé. Ceux qui veulent bien en faire l'expérience vont découvrir une chair un peu jaunâtre, une couleur qui tranche avec nos autres légumes, à part la pomme de terre, mais très juteuse, croquante et de saveur délicate. Cette chair contient à la place de l'amidon une autre substance appelée inuline, qui se transforme en fructose. Contrairement à l'amidon, l'inuline ne cause pas de désagréments pour les diabétiques. La batâta ganneriya est consommée chez nous en râgout, comme n'importe quel autre légume, sans tenir compte de ses spécificités, ni de sa délicatesse. Dans d'autres régions du monde, elle est apprêtée de mille et une manières. Crue, elle ensoleille une salade terne et la rafraîchit. Elle peut constituer un ingrédient de choix pour farcir des champignons, dont c'est la pleine saison. Elle peut également donner une petite note de douceur aux broûdou (soupes aux légumes). Avec elle, nous pouvons diversifier nos ragoûts pour qu'elle ne reste pas l'apanage de ceux qui sont fortement tomatés et pimentés, mais aussi ceux dits au blond qui présentent leur goût fin et distingué. Le topinambour peut se laisser cuire en purée, en gratin ou à la façon d'une crème. Bien sûr, il peut constituer l'ingrédient doux pour des beignets sucrés. Où le trouver et comment l'acheter? Pour ses lieux de vente, il faut chercher de préférence les grands marchés, surtout ceux fréquentés par des clients étrangers, ou bien chez les producteurs eux-mêmes qu'il faut savoir trouver. N'hésitez pas à en acheter en grandes quantités, le topinambour s'améliore avec le temps et son prix modique permet des achats en quantité. Choisissez des pièces fermes, ayant une peau intacte. Délaissez celles qui sont teintées de vert ou celles qui ont commencé à germer.