De notre envoyé spécial à Durban Chokri BEN NESSIR «Quand Nelson Mandela a marché vers la liberté en 1990, personne n'imaginait que l'Afrique du Sud était en voie de devenir un modèle et une inspiration pour le monde». Quand le forum pour une Afrique du Sud démocratique a entamé ses travaux il y a vingt ans, personne ne songeait que l'Afrique du Sud deviendrait un modèle universel des négociations pour un avenir meilleur. Mais quand les premières élections libres ont été tenues dans cette merveilleuse terre en 1994, tout le monde a compris que l'Afrique du Sud avait accompli l'impossible et qu'elle était parvenue à édifier un avenir meilleur pour son peuple. Ce qui a marqué les esprits à ce moment-là, c'est cet enseignement du grand Nelson Mandela qui a dit que «les grands défis paraissent impossibles jusqu'à ce qu'ils se réalisent». C'est par cette phrase que Christiana Figueres, secrétaire exécutive de la Convention des Nations unies sur les changements climatiques, inaugurait la cérémonie officielle des travaux de la 17e conférence des Nations unies sur les changements climatiques, tenue hier à Durban. Cependant, débiter de tels propos pleins d'optimisme à Durban était-ce pour remonter le moral à des délégations dont les pieds semblaient plombés par l'atmosphère maussade qui a précédé le démarrage des travaux de la COP 17, qui vont s'étaler sur deux semaines ? Sans doute, car les représentants des 194 pays réunis à Durban pour cette importante conférence devront discuter de la «plus impérieuse révolution énergétique, industrielle et comportementale que l'humanité ait connue», comme le précise la secrétaire de la Convention de l'ONU sur les changements climatiques. Plus de 20 mille délégués se pencheront sur l'étude de l'après-Kyoto, dont le protocole prend fin en 2012. Parmi les principaux enjeux figure l'élaboration d'un traité faisant office de seconde phase du protocole de Kyoto, lequel était entré en vigueur en 2005. C'est ce que réclame la grande majorité des pays à travers le globe, à part quelques uns comme le Canada, les USA, le Japon et la Russie, qui refusent de souscrire aux principes de Kyoto et qui, pour cette raison, sont les principales cibles des salves de critiques provenant de la société civile internationale. Ces pays estiment que les pays émergents devraient cesser de jouer la carte de la culpabilisation des pays industrialisés comme excuse pour ne pas s'imposer à eux-mêmes des objectifs de réduction en matière d'émission des gaz à effet de serre. Ils citent la Chine comme exemple, dont ils rappellent qu'elle n'est pas soumise à des objectifs chiffrés, étant considérée comme faisant partie des pays émergents. Cependant, selon les scientifiques, ce sont bien les pays de l'hémisphère sud qui sont le moins responsables des émissions de gaz à effet de serre mais qui, en revanche, sont touchés le plus durement et le plus rapidement par les changements climatiques. En effet, les petites îles du Pacifique, les pays des régions tropicales et d'autres comme le Tchad, l'Inde et le Brésil, parmi ceux jugés les plus vulnérables aux catastrophes climatiques en question, pourraient commencer à évoquer des noms au cours de ce sommet et à dénoncer de façon plus directe les pays qui font obstruction au progrès dans le dossier de la réduction des gaz à effet de serre. Prenant dans ce sens la parole, le président de la République d'Afrique du Sud, Jacob Zuma, a indiqué que la production agricole des pays africains chutera de 50% à l'horizon 2050. L'Afrique, a-t-il souligné, est le continent le plus exposé aux risques liés aux changements climatiques. «Récemment, l'île de Kiribati a été le premier pays à déclarer ses terres inhabitables à cause du réchauffement climatique», a affirmé Zuma qui a exhorté les négociateurs à parachever le bon travail entamé à Cancun et à répondre aux aspirations des peuples. Invité à prendre la parole, le président tchadien Idriss Deby a fait un plaidoyer remarquable en faveur de la préservation et du sauvetage du lac Tchad. «Notre pays qui a subi de plein fouet la grande sécheresse et ses conséquences environnementales connaît mieux que quiconque les effets néfastes des changements climatiques : disparition du couvert végétal et espèces rares, avancées à grands pas du désert, assèchement des plaines, le tout corroboré par la réduction paradoxale du lac Tchad dont la superficie est passée de 25.000 km2 dans les années 60 à moins de 3.000 km2 actuellement». Comment dès lors inverser les tendances destructrices et traiter avec efficacité les problèmes ? Selon les experts, pour garder une planète viable, la température moyenne sur Terre ne doit pas augmenter de plus de deux degrés par rapport à celle de l'ère préindustrielle, selon les experts. Si on ne veut pas franchir cette limite de deux degrés, les émissions de gaz à effet de serre devront atteindre leur plus haut niveau avant 2020, puis décroître rapidement, pour ne plus dépasser 1 tonne par an et par habitant en 2050, selon le diagnostic de Copenhague. Ils rappellent à cet effet que les prévisions tablent sur une augmentation des cyclones, des pluies torrentielles, et l'accélération de la fonte des glaciers. Tous ces événements ont des coûts économiques et humains importants. Le halo des projecteurs sera maintenu sur Durban les jours à venir, où tout le monde s'attend à ce que les négociations accouchent d'une feuille de route pour le climat sur le terrain à court terme. C'est que Durban doit également mettre en application les décisions qui ont été prises lors de la conférence de Cancún, l'année dernière, et traiter les questions importantes qui sont restées en suspens. Il s'agit notamment de l'adoption de lignes directrices pour la mise en œuvre d'un système de transparence renforcée, qui permettra de savoir clairement si les pays s'acquittent des engagements qu'ils ont pris jusqu'en 2020 en matière de réduction des émissions. Les pays émergents souhaitent également que soient prises des décisions mettant en œuvre le Fonds vert pour le climat, destiné à financer la lutte contre les changements climatiques dans les pays en développement ainsi que la mise en place de nouvelles institutions dans le domaine des technologies et de l'adaptation aux changements climatiques. Il est à rappeler que Cancún a pris acte du fait que les engagements actuels de réduction des émissions sont globalement insuffisants pour limiter le réchauffement de la planète à moins de 2°C, et la conférence sur les changements climatiques devra donc proposer des solutions afin de combler ce manque d'ambition et mettre en place une procédure pour l'examen de ces propositions au cours de l'année à venir. Car les impacts écologiques, dont le caractère est potentiellement irréversible, sont désormais connus et mesurés. Seule une action correctrice très forte, à l'initiative de l'ensemble des pays du monde, permettra de limiter, voire peut-être à long terme, d'annuler celles-ci.