De notre envoyé spécial à Durban Chokri BEN NESSIR Réchauffement global des eaux des océans, acidification, appauvrissement des milieux marins en oxygène : autant de symptômes caractéristiques des grandes phases d'extinction massive sur Terre qui semblent à nouveau réunis, et ce, grâce aux effets des changements climatiques. En effet, les niveaux de carbone absorbé par les océans «sont déjà bien plus élevés aujourd'hui qu'à l'époque de la dernière extinction de masse d'espèces marines, il y a environ 55 millions d'années, lorsque près de 50% de certains groupes d'animaux d'eau profonde furent exterminés», écrivent ainsi les scientifiques. Pourtant, malgré un taux d'émission cumulé assez conséquent, environ 5 %, l'industrie de l'aviation et celle du transport maritime ont échappé à la vigilance des négociateurs lors de l'établissement du Protocole de Kyoto, qui devrait arriver à son terme en 2012. Une anomalie de taille que les activistes des diverses ONG engagées dans la lutte contre les changements climatiques essayent de corriger, est celle du degré d'implication du secteur du transport maritime et celui du transport aérien dans l'atténuation des émissions des gaz à effet de serre. En effet, des voix se sont élevées à Durban, lors de la XVIIe conférence des Nations unies sur les changements climatiques, exigeant des actions correctives à ce niveau-là. Et pour cause, le secteur du transport maritime est responsable de 3% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, alors que son alter ego aérien affiche un score à peine plus reluisant, à savoir 2 %. Au grand dam des défenseurs du climat, les deux secteurs n'affichent pas encore d'objectifs chiffrés pour réduire le taux de leurs émissions en gaz. Ce qui est considéré comme une omission de taille et un grand péché, que les activistes sont en train de combattre à Durban. S'exprimant à ce sujet, le président de la Chambre internationale des armateurs, en présence du président du Fonds mondial de la nature ainsi que des militants de l'association Oxfam, a indiqué que le transport maritime devrait faire l'objet de mesures spécifiques ainsi que d'actions intensives pour réduire les émissions de gaz des navires. Le directeur chargé du climat au Fonds mondial de la nature a d'ailleurs estimé que «ne pas prendre en considération la part importante de carburant utilisé par le transport maritime dans les émissions des gaz à effets de serre était une énorme erreur». Pour sa part, le secrétaire général de la Chambre internationale des armateur indique que «l'industrie pourrait supporter une partie des compensations prévues pour le carbone». Toutefois, il a estimé que n'importe quelle décision à ce sujet devrait être prise en collaboration avec l'Organisation mondiale de la marine marchande sous l'égide des Nations unies. Chose que réclament les experts qui pensent qu'une partie des taxes sur le transport maritime devrait servir à financer le Fonds vert du climat qui, en théorie, devrait procurer 100 millions de dollars par an aux pays démunis et les plus exposés aux risques qui découlent des changements climatiques. En effet, l'urgence découle du fait que les projections démontrent que les émissions des bateaux vont augmenter de 150 à 250% d'ici 2050. A cet effet, la proposition formulée à ce sujet est de facturer une surcharge de 25 dollars par tonne sur le fuel des car-ferries. Ce qui pourrait générer 25 milliards de dollars par an de recettes. Cependant, une telle mesure pourrait, selon les spécialistes, élever le prix des transports maritime de 0,2 %. Cela dit, le prix du carbone pourrait ainsi se répercuter sur le coût de quatre produits vitaux, à savoir les produits agroalimentaires, le pétrole, les produits manufacturiers et les produits miniers. Les estimations, à ce propos, tablent sur 0,14% d'augmentation. Et comme le problème des émissions de gaz à effet de serre par les bateaux ne peut être attribué à aucun pays d'une façon précise, la recommandation faite à ce sujet conseille une taxe universelle pour les navires. Les fonds générés par cette taxe devraient servir en partie à compenser l'impact ressenti par les pays en voie de développement, sous forme de rabais, estiment les experts. Trou d'air A ce propos, l'UE ne semble pas prête à revenir sur sa décision d'appliquer une nouvelle taxe carbone sur les vols internationaux des compagnies aériennes à partir du premier janvier 2012. Evoquant ce sujet lors des négociations qui ont lieu à Durban à l'occasion de la XVIIe conférence des Nations unies sur les changements climatiques, Arthur Runge-Metzger a indiqué qu'il «n'y a pas l'ombre d'un doute» concernant la décision ferme des 27 pays de l'UE quant à l'application de cette taxe, et ce, malgré une plainte déposée par deux compagnies américaines, à l'effet d'annuler cette décision, notamment avec la concurrence en vue des compagnies chinoises, qui vont profiter de la politique de l'Open-Sky. Il n'empêche : malgré la description du nouveau schéma sur le commerce du carbone comme «un marché» et non comme une «taxe» sur l'aviation, son effet conduirait indéniablement à une augmentation des tarifs des billets des compagnies incapables d'agir sur les niveaux de leurs émissions. Toutefois, la Commission européenne a considéré que les effets seront modestes sur les tarifs et ne dépasseraient pas le seuil de 1,5 US dollar par parcours sur les longs trajets. L'information a provoqué un tollé au niveau des compagnies du secteur qui sont responsables pour au moins 2% des émissions des gaz à effet de serre et qui se trouvent confrontées à un nouveau défi, à savoir l'amélioration de l'efficacité énergétique qui devient aujourd'hui une obligation, voire un passeport de passage pour les pays de l'Europe. Il n'en demeure pas moins que, comme le rappelle Runge-Metzger, aucun effort n'a été consenti au cours de la dernière décennie de la part des constructeurs et des compagnies aériennes en vue de réduire les émissions des gaz à effet de serre.