• Les abus côtoient l'insécurité dans un secteur de plus en plus saturé… Deux taxistes sur trois vous le diront, sans la moindre hésitation: la saturation est à son comble dans le secteur. Et c'est vrai, si l'on en croit les chiffres qui, renseignements pris, font état de l'existence de pas moins de 15.000 permis de place, rien que dans le Grand-Tunis. Pis, 3.000 autres permis sont en passe d'être délivrés. Le pic a été atteint au lendemain de la révolution lorsque des gouverneurs, vu l'ampleur de l'agitation sociale (sit-in, grèves…), y ont contribué, en accordant des… centaines d'autorisations par région. Advienne que pourra ! Asphyxie Dès lors, c'est l'asphyxie qui s'installe dans un secteur où les taxis jaunes sont presque devenus plus envahissants que les voitures particulières. Bien évidemment, les professionnels du métier s'en sont lourdement ressentis. «Nos recettes continuent allégrement de baisser», déplore l'un d'eux qui indique, désabusé, que «nous sommes désormais exposés à des menaces sérieuses, sous la forme de la flambée des taxes qui nous sont imposées et de la hausse sans cesse croissante des prix des pièces de rechange». Et de s'interroger encore plus inquiet : «N'avons-nous pas, nous aussi, des familles à charge? Et qu'attend-on pour sauver un métier qui agonise ?». Abus criards Or le secteur est loin d'être au bout de ses peines. En effet, outre la multiplication des permis de place et la chute vertigineuse des recettes, ledit secteur est en butte à d'autres ennuis non moins décourageants. A commencer par la percée de ce qu'appellent les taxistes «les intrus». C'est-à-dire ceux-là mêmes qui ont bénéficié d'une autorisation illégale, alors qu'ils exercent un emploi parallèle. «Ce qui est encore plus révoltant, c'est que certains pseudo-taxistes possèdent deux à trois autorisations et continuent impunément de faire ce ‘‘cumul doré'' à l'encontre de la loi et au détriment de ceux qui sont en situation régulière», nous révèle un vétéran du métier qui s'étonne que «d'ex-taxistes radiés à vie pour leurs antécédents judiciaires aient été autorisés à reprendre le travail au nom de la révolution». Et les abus de gagner encore du terrain, puisqu'il s'est avéré par exemple que près de 20% des taxis exerçant dans le district de Tunis transgressent la loi, n'ayant pas tous les papiers en règle. Tout cela sans parler de l'émergence récente d'une nouvelle race de taxistes dits «bandits», au look de malfaiteurs et au comportement indécent vis-à-vis des clients ! Au point que, l'autre jour, une dame a été carrément agressée, sur la voie publique et en plein jour, par un jeune taxiste qui a tout d'un…mafioso, d'un voyou, avec, à l'appui, une carrure impressionnante, une balafre sur la joue, des baskets puantes et une casquette de cascadeur ! Une scène si déplorable, si condamnable, qui n'étonne plus, tout simplement parce qu'elle se répète tous les jours ou presque ! Insécurité Mais il y a aussi les taxistes qui encaissent et subissent. Ce sont «les nouvelles victimes de la révolution». Ceux-là mêmes qui, le relâchement sécuritaire aidant, ont failli passer de vie à trépas, pour avoir vécu, la mort dans l'âme, les affres des braquages dans l'exercice de leur métier. Jusqu'ici, et aux dires de la chambre syndicale des taxis dépendant de l'Utica, quelque 85 taxistes en ont fait l'amère expérience, alors que plus de 25 d'entre eux attendent toujours de récupérer leurs voitures volées sous la menace. «Cela fait maintenant 22 ans que je travaille la nuit. Or, depuis la révolution, j'ai vite boycotté les courses nocturnes, étant donné l'insécurité qui règne encore dans le pays», assure un taxiste qui semble se relever difficilement du choc d'une scène de braquage dont il a été victime il y a deux mois, du côté de La Manouba. «Il faut, avertit-il, que les autorités compétentes fassent quelque chose pour sécuriser le secteur. Et le plus tôt serait le mieux. Sinon, re-bonjour la grève».