Peu importe qui est responsable aujourd'hui de la marche des affaires du pays, le gouvernement sortant qui a présenté sa démission ou le nouveau, issu de la troïka, qui tarde à se constituer et à prendre les commandes du pays. Le plus important est que selon des sources informées, 230 entreprises industrielles exportatrices ont arrêté de fonctionner et ont quitté la Tunisie, ou annoncé de le faire. L'exemple du câbleur japonnais, Yazaki, qui vient de décider la fermeture de son site de production de Om Laaraïes, à Gafsa, pour cause de grèves successives sans préavis et malgré toutes les tentatives de règlement du différend, est édifiant. La question qui s'impose est : comment peut-on laisser les entreprises fermer, les investisseurs étrangers partir et le nombre des chômeurs gonfler, au moment où le pays s'enlise dans une crise multisectorielle, au lendemain d'une révolution qui a éclaté pour dénoncer la pauvreté, le chômage, la marginalisation. Que font les responsables politiques, administratifs, syndicaux, grands et petits, et ceux qui sont derrière les associations et mouvements citoyens qui ont vu le jour en nombre après la révolution? S'il y a des négociations et des tractations, quelle est leur teneur, sont-elles coordonnées et concertées par tous ces responsables? Et que font les sit-ineurs, les grévistes, les protestataires, les bloqueurs de routes, de voies d'accès aux unités industrielles, aux ports, et les déserteurs des ministères? Se rendent-ils compte que leurs revendications, légitimes à n'en point douter, sont en train, au fil des mois, de se transformer en armes d'autodestruction massive de l'économie tunisienne et du tissu social? L'objectif majeur de la révolution est le rétablissement des droits, politiques, économiques et sociaux de tous les Tunisiens. C'est un fait, un acquis pour tous les Tunisiens fiers d'avoir recouvré le premier de ces droits : la liberté de parler, de manifester, de penser, de protester. Mais jusqu'à quelle limite si on peut parler de limite à la liberté dans son sens absolu? Et c'est là un autre débat. Pour l'heure, le débat, voire l'urgence, est de trouver la voie consensuelle qui permette de sortir le pays de l'impasse. La joie de la liberté acquise est certes enivrante, mais il est temps que les esprits se réveillent avant que le rêve ne se transforme en cauchemar. Une chose est sûre : malgré la conjoncture, le président de la République et le chef du nouveau gouvernement ne perdent pas le sourire, en public et devant les caméras. Qu'est-ce qui se cache derrière cette sérénité ? M. Hammadi Jebali aurait-il prévu dans le programme de son gouvernement des surprises agréables pour les Tunisiens ? A vérifier.