Par Souad SAYED Dans La Presse du mercredi du 28 septembre 2011, Mme Malak Sghaïer, étudiante à l'ISG - Tunis, a signé un article intitulé : «La corruption, une calamité qui prospère dans le secteur pharmaceutique tunisien»... A l'heure où l'on remet en cause la justice, la police, l'éducation, le sport et bien d'autres secteurs dans notre pays, il serait salutaire, semble-t-il, de ne pas oublier le dossier de la santé et, en premier lieu, celui du médicament. Bien sûr, la situation est préoccupante dans nos hôpitaux, mais nous devons rester optimistes! Evidemment, des pratiques inacceptables ont cours dans certaines structures privées ou chez certains praticiens du public comme du privé : elles doivent faire l'objet d'un débat national et de toute urgence. Mais nous devons faire confiance à nos blouses blanches et démentir ceux qui prétendent que nous sommes devenus une marchandise entre leurs mains. La société ne leur a-t-elle pas donné les pleins pouvoirs ? Sérieusement, cela ne peut pas durer : la qualité et le coût de la santé nous concernent tous. Que payez-vous quand vous achetez une boîte de médicaments ? Le coût d'années de recherche pour trouver la molécule ? Le coût de la matière première ? Le coût de la promotion du produit ? Les bénéfices de l'industriel qui le fabrique ? C'est probablement tout à la fois, mais dans quelles proportions? Il est prouvé que pour la majorité des médicaments que nous consommons, la promotion et les bénéfices entrent à hauteur de 90% et parfois plus dans le prix d'achat. Mieux encore, une bonne partie de cette somme sert à rétribuer directement ou indirectement les médecins qui prescrivent ces médicaments. Le doute s'immisce dans mon esprit : mon docteur aurait donc tout intérêt à me prescrire les médicaments les plus rentables pour lui ? Nos intérêts divergeraient au moins sur ce point ? Et si je pousse le raisonnement plus loin : mon docteur aurait tout intérêt à me prescrire plus de médicaments et les plus chers, même quand ils me sont inutiles ? Outre le risque pour ma santé, le risque que représente ce type de comportement pour des sociétés qui se veulent solidaires est immense. Le budget médicaments de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) est passé de 400 millions de dinars à 800 millions de dinars par an en 5 ans. Cet argent placé dans nos structures de santé aurait pu changer radicalement la qualité des prestations. Il est malheureusement allé dans les poches des grands groupes industriels : à qui la faute ? Les pays pauvres subissent le diktat des grands groupes industriels avec la complicité de leurs cadres soignants, c'est un fait. Un dollar investi en promotion d'un médicament rapporte à l'industrie pharmaceutique 14 dollars. Dés lors, on comprend toute l'attention dont l'industrie entoure les médecins : voyages, dîners, cadeaux... rien n'est trop beau pour eux et on dépense sans compter pour plaire à ceux qui détiennent tous les pouvoirs. Je reste persuadée que rien qu'en imposant un peu d'ordre dans les pratiques des médecins, on pourrait réduire de moitié sinon plus le coût des soins, sans compter que cela pourrait aussi améliorer la qualité des prestations. Malades actuels ou futurs malades, réveillons-nous, arrêtons d'être des spectateurs passifs pour devenir des acteurs dans notre système de santé et exiger de nos médecins un engagement réel pour une santé de qualité. Signé : Une malade qui s'ignore