La maison de la culture Ibn-Rachiq a accueilli, dimanche dernier, l'unique pièce iranienne des JTC 2012, qui a pris le lendemain le chemin de Sfax pour une représentation au théâtre de la ville. «Pari» est un texte de Kheyrollah Taghian Pour et une mise en scène de Javad Nouri. Le public, venu nombreux, a pu tant bien que mal suivre l'histoire, dont les principaux dialogues étaient traduits en anglais en sur-titrage. Heureusement que le théâtre a cette faculté d'utiliser un langage universel, celui du corps. Sans que le rideau se lève, on découvre une troupe de théâtre exclusivement masculine en train de répéter. Leurs chants racontent leur histoire : des pauvres qui jouent pour les pauvres et cachent leur tristesse sous les personnages qu'ils incarnent, pour distraire les gens. La scène suivante se passe au palais. Le ministre et l'emir-nizam chantent les louanges du roi et de sa puissante mère. Les rebondissements ne se font pas attendre. Karim, l'un des serviteurs du roi, remarque cette troupe où Peoz, l'un des comédiens, joue le rôle d'une femme. Seulement, Karim croit qu'il s'agit vraiment d'une femme et la propose pour amuser la reine. Les comédiens ne peuvent qu'accepter et trouvent pour leur collègue un nom féminin improvisé : Pari. Une fois au palais, Pari obtient la satisfaction de la reine qui décide de la garder au palais, et plus tard, de l'intégrer au Harem du roi pour en faire l'une de ses épouses, au grand malheur de Peoz, abandonné par ses amis. Dans un acte de désespoir, Peoz révèle la vérité à Karim qui décide de l'aider. Toute la troupe est appelée au palais. Ils improvisent une pièce où il se passe exactement la même chose qu'avec Peoz et où le roi et sa mère pardonnent aux comédiens leur mensonge. Mais la réalité fut tout autre. La découverte de la vraie identité de Pari met la reine en rage. Peoz finit par se suicider en buvant du poison. Ses amis seront exécutés. Tous ces événements se déroulent dans une pièce qui dure un peu plus d'une heure. Autant l'écriture est classique, avec des éléments des contes et du patrimoine, et l'éternelle bataille entre le bien et le mal, autant la mise en scène est étonnante. En effet, une dizaine de personnages évoluent sur scène avec pratiquement zéro décor. Des techniques comme le théâtre d'ombres ont permis de le remplacer et d'ajouter beaucoup à l'effet visuel et à l'émotion. C'est en même temps l'une des plus anciennes techniques du théâtre iranien, un art dont les origines remontent à l'Antiquité. Javad Nouri a eu recours à d'autres techniques, comme le «zanpooshi» où un homme joue le rôle d'une femme. «Cela était d'usage pendant le règne de Nasser Al-Din Shah Qajar (1848–1896), où les femmes n'avaient pas le droit de monter sur scène», nous explique-t-il. La troupe Nikab, à qui l'on doit «Pari», s'inscrit donc dans un théâtre populaire qui renoue avec les traditions de cet art très ancien. Un choix qui peut étonner venant d'une équipe jeune, mais c'est le signe d'une diversité dont témoigne Javad Nouri en affirmant que la plupart des comédiens et metteurs en scène iraniens sont jeunes, d'où une nouvelle dynamique et une varieté dans les œuvres. Des jeunes qui, dit-il, savent ce qu'ils veulent.