Hichem Rostom, plus présent dans les feuilletons télévisés ramadanesques que sur les planches, revient à ses premiers amours le théâtre qu'il affectionne par dessus tout notamment les textes classiques qu'il remet au goût du jour. Après « Fragment d'un discours de Ibn Khaldoun » qu'il a assuré en collaboration avec Ezzeddine Madani, samedi dernier à Mad'Art, il a présenté sa nouvelle création « Le comédien King Lear », un plaidoyer de la condition de l'artiste, ses délires, ses frustrations, sa façon de se consumer dans la peau de chaque personnage qu'il incarne et qu'il habite. La pièce raconte l'histoire d'un roi vieux et souffrant de la solitude et de l'abandon. Une sorte d'allégorie dépeignant la condition d'un comédien très âgé qui a joué durant plusieurs années, le personnage de Lear et qu'on oublie dans sa loge, le soir de la dernière représentation. Dans le noir total du théâtre qui sera détruit quelques heures plus tard, il se remémore ses anciens succès, ses tournées dans le monde et ses instants de gloire et de succès. Il est bien clair que Hichem Rostom tente, avec cette pièce, d'évoquer le statut de comédien, du changement de la trajectoire du théâtre classique à texte vers un théâtre enclin à un certain populisme. Le comédien qu'il présente est un archétype de comédien à l'ancienne qui apprécie les personnages classiques au jeu un tantinet emphatique ainsi que les textes aux tirades qui s'étirent à l'infini. Hichem Rostom, en comédien chevronné, réussit à tourner en dérision son personnage en lui infligeant toute la panoplie de jeu poussé jusqu'à la caricature : gestes précieux et déclamatoires, mais en même temps, il lui insuffle une charge d'émotion comme si c'était de lui qu'il s'agit et de tous ceux de cette génération qui ont fait leurs premières armes dans le théâtre classique. Nous revient alors à l'esprit Youssef Wahbi, figure emblématique du théâtre égyptien et arabe, qui a fait école jusque dans les années 60. Sa présence imposante et son jeu pompeux ont inspiré et marqué des générations de comédiens dans le monde arabe. C'était l'acteur exemplaire, la référence pour de nombreux jeunes passionnés de quatrième art. La scène finale du « Comédien King Lear » est déterminante et pour le moins pathétique. Une réelle émotion se dégage de cette scène du directeur de théâtre qui attend que l'acteur regagne la scène pour jouer une ultime fois la pièce et cette rencontre avec la dame en rouge qui attend, pour sa part, un amant qui tarde à venir. Entre illusion et rêve, Hichem Rostom nous conduit dans les sphères d'un univers exceptionnel et dévoile la réalité exacerbée d'un métier difficile mais malgré tout passionnant. Tout s'entrechoque dans cette rêvasserie le King Lear, le personnage et le comédien. Un brin nostalgique Hichem Rostom fait partager aux spectateurs le théâtre qu'il aime, sa passion pour la scène et son respect pour le métier de comédien. En explorant les classiques, il nous communique son attachement à un théâtre qui se perd celui de Shakespeare et de Molière et en pointant du doigt de manière subtile et indirecte un certain théâtre populiste.