Engager aujourd'hui un débat national sur la problématique du développement régional ou du développement économique et social dans les régions du Nord-Ouest est une question qui s'impose à tous comme une réflexion essentielle pour identifier les blocages actuels du développement et les solutions urgentes susceptibles de favoriser la relance économique et sociale dans ces régions, notamment après les sit-in et les grèves générales observés ces derniers jours dans les gouvernorats de Béja, Siliana et Jendouba. La rencontre organisée hier par le Centre de réflexion stratégique pour le développement du Nord-Ouest sur les mouvements de protestation dans les gouvernorats du Nord-Ouest a permis aux participants venus des quatre régions défavorisées et déshéritées qui se sont soulevées contre l'injustice et la pauvreté, de s'exprimer et d'examiner le déficit en matière de réflexion sur le sujet du développement dans les régions de l'intérieur. Le débat a été dominé par des sujets qui ont nourri la controverse avec ses dimensions politiques évidemment. D'après les invités représentant les gouvernorats du Nord- Ouest, le gouvernement provisoire s'engouffre d'ores et déjà dans des débats futiles qui ne répondent pas aux attentes des habitants qui se sont révoltés pour l'emploi, contre la pauvreté, la corruption, le déséquilibre régional... «C'est la première fois que la région du Nord-Ouest observe des mouvements de protestation qui n'ont eu aucun effet sur les entreprises publiques et sur le processus de développement. Si on est arrivé à cette situation, c'est que les habitants ont perdu tout espoir de voir leurs attentes se concrétiser, c'est un indice qui émane d'une réaction naturelle d'une population qui souffre depuis des décennies de l'exclusion et de la marginalisation. Le centre de réflexion stratégique pour le développement du Nord-Ouest, compte tenu de sa vocation et de ses objectifs, se veut un catalyseur pour identifier les problématiques liées au développement, être à l'écoute des préoccupations des citoyens et de leur droit à une vie digne, et exposer les approches et les statistiques aux décideurs», précise M. Kamel Ayadi, président fondateur du centre. Ce centre jouera le rôle d'intermédiation entre le citoyen et les pouvoirs publics, de veille en garantissant le suivi de l'actualité dans la région, et «assurera une lecture scientifique et de développement, en vue de trouver des solutions adéquates. Nous voulons, à travers cette rencontres, transmettre un message au citoyen pour lui confirmer que les compétences de la région sont solidaires avec lui. Une élite appelée à contribuer à l'orientation des mouvements de protestation et à la résolution des problématiques. Notre objectif n'est autre que de transmettre nos idées et nos réactions au gouvernement», ajoute M.Ayadi. Ces mouvements ont permis de fédérer et mobiliser les énergies et les compétences dont regorge cette région en vue de contribuer par la réflexion à la question du développement. La région du Nord-Ouest est riche en ressources naturelles et minières considérables. «Elle représente le château d'eau de la Tunisie, là où se concentre la majeure partie des eaux de surface. Elle représente aussi, avec ses ressources forestières, le poumon de la Tunisie. Cependant les indicateurs de développement de cette région sont aux antipodes de son potentiel. Selon les indicateurs affichés dans l'étude élaborée par la Banque européenne d'investissement, le taux de chômage dans la région du Nord-Ouest s'élève à 20%, celui de la croissance économique -0,7%. Quant au nombre des entreprises privées, il avoisine 0,24 pour mille habitants», souligne M.Ayadi. Les représentants des bureaux régionaux du centre de réflexion stratégique pour le développement du Nord-Ouest n'ont pas manqué de rappeler qu'un marketing territorial est nécessaire pour attirer les investisseurs et identifier le potentiel d'investissement. C'est ce maillon manquant qui a fait que les réformes et les politiques de développement qui ont été conçues n'aboutissent pas aux objectifs escomptés. «Il est impératif, en effet, d'orienter les efforts en direction de la recherche de l'investissement en vue de valoriser le potentiel dormant de la région qui n'a pas été jusque-là suffisamment exploité et exploré. Car le développement régional est le fait d'accroître la vitesse de convergence entre les régions. L'unité demeure le socle du développement dans ces régions défavorisées. Le dialogue doit aboutir à un contrat-programme entre le gouvernement et la région». Les représentants des bureaux régionaux du centre ont insisté sur le traitement des dossiers des cas sociaux des citoyens de Béja, la promotion du rôle de la société civile et la participation des citoyens, en l'occurrence les diplômés du supérieur, au débat national sur le développement de la région, l'amélioration des prestations sanitaires, la programmation à moyen terme de projets de développement... Autant dire que les perspectives de développement dans cette région en cette période critique sont tributaires d'un climat de sécurité et de stabilité sociale qui doit être instauré pour remédier au sous-développement de ces régions. D'autres priorités s'imposent dont le développement des zones industrielles, la résolution du problème de l'endettement dans le secteur agricole, la mise en place d'un pôle technologique, la promotion de l'écotourisme... C'est dire que le dossier du développement régional demeure le plus épineux qui appelle des actions urgentes mais dont le traitement préfigurera le nouveau modèle de développement des régions intérieures du pays. Un modèle qui doit être conçu en large concertation avec tous les partenaires, mobilisant les cadres de la région, les investisseurs, les acteurs économiques et sociaux, la société civile, les membres de l'Assemblée constituante et le gouvernement.