Rien n'est jamais simple quand il s'agit de Meriem Bouderbala. Sa démarche est complexe, ses références ésotériques, leur application sophistiquée. Celle qui est probablement une des plus talentueuses de nos jeunes artistes est également une jeune femme à fleur de peau, en quête perpétuelle, toujours insatisfaite, et donc toujours en remise en question. Mais n'est-ce pas là justement le propre de la création artistique? Si, comme de nombreux autres artistes, elle a ses «périodes», elle a pour particularité de ne jamais revenir en arrière, sauf peut-être quand elle estime une quête inaboutie, une démarche inachevée. Autrement, sa curiosité la propulse sur de nouvelles voies, de nouvelles pistes, lui fait expérimenter de nouveaux matériaux, la pousse à explorer des toujours nouvelles possibilités. La retrouver pour une nouvelle exposition est toujours un moment de surprise, d'anxiété quelquefois‑: où va-t-elle bien pouvoir nous mener cette fois encore ? Et de ces rencontres, on ne sort pas toujours indemne. Car le travail de Meriem Bouderbala n'est jamais anodin. Mais bien sûr, le rôle de l'art n'est-il pas de déranger? Alors, oui, Meriem Bouderbala dérange avec cette dernière exposition qu'elle présente à la galerie Ammar-Farhat, exposition de «Vanités» au sens ancien du terme, et dont Rachida Triki écrit : «Avec poésie, Meriem Bouderbala revisite les vanités, dans une gestion toute personnelle de leurs objets symboliques. Fidèle à elle-même, elle donne à sentir le côté éphémère de la vie, en jouant des transparences et de la fragilité de la matière. Couleurs diluées, sable fin et feuilles mortes constituent la palette de ses mélancolies. Ses lavis, à dominante gris entaché de rouge, restent au plus proche de l'épiderme qu'elle porte à l'état de moisissure et de liquéfaction. Ils donnent lieu à des apparitions anonymes, saisies au cœur d'un vide qui les aspire. Dans la série “Les liens du sang”, l'artiste incise et défait la surface du corps gagné par la grisaille qui en ronge la peau. Elle le fait en créant des effets organiques par un mélange subtil de matières. Eternel cycle de décomposition! Jusqu'à cette tête filante qui vogue, traînant, derrière elle, le reste de ses veines… Plus douces sont les figures de la Passion aux couronnes de laurier, piquées à même la texture de l'œuvre. Comme des nuées flottantes, légèrement blessées, elles disent délicatement les souffrances humaines. Entre dessin et peinture, la nature morte est aussi convoquée dans cette valse des Vanités‑: de pures compositions, aux allures d'herbiers cousus main, qui nous réconcilient avec le destin. Sur un fond de bleus marins, des arborescences portent au bout de leur squelette asséché des petits cranes pareils à des fossiles nacrés. En forme de totem ou de méduse, elles disent sans violence la pétrification. C'est en Parque contemporaine que Meriem Bouderbala file le destin avec tendresse. Peut-être même, comme ces divines filandières, figure-t-elle derrière les portraits sans visage, enfouie sous les feuillages et les galets. Ses tableaux semblent nous dire‑: Que reste-t-il des mots et des choses, des adages et des certitudes? Rien que des épitaphes emportées par les flots comme dans ce tableau de la cartographie du sang où le temps se fige».