Par Néjib OUERGHI Après une période fortement agitée sur le front économique et social, ponctuée de sit-in, de violences, qui ont eu pour cible journalistes, avocats et activistes de la société civile, de controverse, provoquée par les propos de Sadok Chourou, à l'Assemblée nationale constituante, sur l'interprétation littérale d'un verset du Saint Coran et d'un premier débat gouvernement-députés qu'a imposé l'urgence de trouver une issue à l'impasse que traverse le pays, on a connu en fin de semaine une effervescence politique inédite en Tunisie. Un bouillonnement qui nous fait sortir, momentanément, des crispations sociales pour nous replonger dans une atmosphère qui a toutes les apparences d'une période préélectorale. Une nouvelle donne annonciatrice d'une reconfiguration du paysage politique et d'un changement au niveau des méthodes d'action politique des différents acteurs qui commencent à fourbir leurs armes en prévision des échéances qui pointent à l'horizon. Toute cette effervescence reflète la volonté des formations, douchées par leur échec du scrutin du 23 octobre 2011, de réinventer de nouvelles pistes pour convaincre, mobiliser et se repositionner. La vague de fusions, qui se poursuit et se propage, est en train de s'accompagner de fissures et de luttes fratricides que se livrent de nombreux partis politiques, y compris parmi ceux qui font partie de la Troïka au pouvoir. Résultat: au vent de discorde et de doute qui est en train de marquer la vie politique nationale et de fragiliser davantage la coalition, viennent s'ajouter des initiatives parrainées par des figures politiques agissantes qui se déclarent délibérément en quête «d'alternative réformiste et d'alternance pacifique au pouvoir». Cette effervescence, qui ne cesse de gagner en ampleur, sur fond de flou et d'incertitudes, exprime une inquiétude, des craintes et une propension des forces politiques en présence à provoquer un recadrage des priorités nationales à l'effet de les mettre en cohérence avec l'esprit et la lettre du 14 janvier et des attentes et des aspirations des Tunisiens pour la démocratie, la justice et la dignité. Cela implique au premier chef un recentrage du rôle et de la mission de l'Assemblée nationale constituante et du gouvernement, issu de la coalition de trois partis politiques, dissemblables tant au niveau des programmes que des idéologies, mais dont le point de convergence essentiel consiste à gouverner le pays en cette période transitoire. Un recentrage que d'aucuns considèrent comme salutaire. Il est censé, à l'évidence, permettre à l'Assemblée constituante de se concentrer sur sa mission originelle, celle-là même qui mobilise et fédère les organisations de la société civile, les partis politiques et les jeunes de tous bords. Une mission qui l'investit d'élaborer une Constitution, pour tous les Tunisiens, quelles que soient leurs différences ou leurs appartenances politiques. Une Constitution qui soit garante de l'Etat civil et de la transition du pays vers la démocratie, sans pour autant lui donner un blanc seing qui l'autorise à s'ériger en pouvoir législatif. Un recentrage qui charge, enfin, le gouvernement issu des élections du 23 octobre 2011 de gérer les affaires courantes du pays conformément à un calendrier précis et consensuel, préserver sa sécurité et sa stabilité, concevoir des solutions concrètes à des demandes urgentes et de favoriser une alternative qui rendrait possible la progression de la Tunisie vers la démocratie et ancrerait une véritable culture de l'alternance pacifique au pouvoir dans le cadre d'un projet moderniste et réformiste. Honorer cet engagement revient à mettre le pays sur la bonne trajectoire qui lui épargnerait toute dérive ou retournement, instabilité, violence ou extrémisme. C'est à ce prix, et à lui seul, peut-être, qu'il sera possible de redonner confiance aux Tunisiens, de leur offrir une perspective et de susciter leur adhésion à un projet de société que tout le monde défendra et à travers lequel tous se reconnaîtront. Une nécessité dont la satisfaction exige, plus que jamais,sagesse, consensus et responsabilité.