• Les pays émergents plus que jamais tenus de tirer le meilleur parti de leurs compétences ''Promesses et paradoxes de l'économie du savoir'' a été le thème d'une conférence donnée, mardi, au siège de la Banque centrale de Tunisie (BCT), par le professeur Bernard Guilhon, dans le cadre des activités de la Chaire Ben Ali pour le dialogue des civilisations et des religions. En guise d'introduction, M. M'hamed Hassine Fantar, titulaire de la Chaire Ben Ali, a relevé la participation du conférencier à la formation de plusieurs enseignants, chercheurs, cadres et experts tunisiens, en tant qu'enseignant à la Faculté de Tunis entre 1974 et 1977. Partant du constat faisant l'unanimité parmi les économistes, à savoir la profonde modification, ces 25 dernières années, de l'ordre de priorité des ressources productives, M. Guilhon a expliqué que cette évolution peut être repérée par des indicateurs qualitatifs, et des mécanismes spécifiques permettant de conceptualiser la connaissance comme un capital résultant d'un processus de production, d'inputs et d'outputs. "L'économie de la connaissance, née à la faveur de ces transformations, a expliqué le conférencier, est riche de promesses, particulièrement pour les pays en voie de développement, notamment en raison de ses faibles coûts et des potentialités importantes de croissance et d'innovation qu'elle laisse espérer". Cette économie peut être synonyme de partage et de bien-être social. Mais en plaçant au centre du processus de production les tâches plutôt que les biens, indique le conférencier, l'économie de la connaissance exerce sur les pays, les firmes et les emplois ''une forte pression de ré-allocation des ressources économiques''. M. Guilhon a souligné dans ce contexte que l'émigration des compétences est, paradoxalement, une conséquence possible de ce nouveau paradigme économique. Cela arrive, a expliqué M. Guilhon, quand les pays émergents produisent un surplus de compétences que leurs économies réelles ne peuvent intégrer, surplus dont profiteront les pays développés. Immatérialité née du commerce des idées L'intervenant a constaté, d'autre part, que dans une économie de la connaissance caractérisée par l'immatérialité et fondée sur le commerce des idées et des tâches -ce que les Américains appellent le ''trade-in-tasks-, ce ne sont pas les emplois les plus qualifiés qui sont les plus protégés. La promesse d'égalité et de partage est également loin d'être tenue. Au sein de l'économie fondée sur la connaissance par excellence, celle des Etats-Unis, et au niveau mondial, les inégalités de revenus ne cessent de se creuser, alors même que les connaissances sont censées être un bien public, non rival et reproductible. L'économie de la connaissance n'équivaut pas, loin s'en faut, à connaissance de l'économie, déplore le conférencier, reprenant au philosophe français Paul Virilio le terme d' ''accident de la connaissance'' pour décrire l'incapacité structurelle des banques à évaluer les risques de leurs produits financiers, de plus en plus complexes. En conclusion, l'intervenant a parlé de ''perversion de l'économie de la connaissance'' par la domination des logiques financières sur les stratégies des entreprises et des politiques économiques. Né à Tunis en 1940, Bernard Guilhon, agrégé et professeur des universités françaises, est un spécialiste en économie de la connaissance.