• Formation des commissions constituantes, législatives et spéciales Séance plénière, hier, au Palais du Bardo, de l'Assemblée nationale constituante en vue de l'élection des membres des commissions au nombre de trois : six commissions constituantes qui se chargeront de l'élaboration de la Constitution, huit commissions législatives qui auront à préparer les projets de loi dont le gouvernement provisoire a besoin pour gérer les affaires du pays et trois commissions spéciales (immunité parlementaire, lutte contre la corruption et la malversation et indemnisation des familles des martyrs et des blessés de la révolution). Mais l'esprit des constituants n'était pas à ce nouveau tour d'élections dont les résultats sont pratiquement acquis. Ils sont revenus à l'élection du rapporteur général de la Constitution et de ses deux assistants, au round de concertations qui vient de démarrer entre le gouvernement et les partis politiques représentés au sein de la Constituante ainsi qu'aux appels lancés par certains acteurs du paysage politique national en vue de la création d'un gouvernement de salut national, voire de compétences nationales indépendantes, alors que les partis politiques se consacreront à la rédaction de la Constitution. C'est bien un gouvernement d'intérêts partisans Pour le jeune Skander Bouallagui (Pétition populaire), le gouvernement actuel est un «gouvernement d'intérêts partisans. D'ailleurs, le retard enregistré pour la formation du gouvernement trahissait les luttes et les dissensions qui ont traversé le CPR et Ettakatol à propos des portefeuilles ministériels à se partager. Le même phénomène s'est reproduit à l'occasion de l'octroi de la présidence de la commission d'élaboration de la Constitution qui est revenue au Dr Mustapha Ben Jaâfar après des négociations interminables, ce qui amènera probablement au non-respect du délai d'une année pour la rédaction de la Constitution comme l'a promis la Troïka sans accepter, toutefois, de l'inscrire dans la petite Constitution». «Aujourd'hui, poursuit-il, et après avoir compris enfin qu'il n'a pas les moyens de diriger le pays tout seul bien que nous l'ayons souligné bien avant la formation de la Troïka, le gouvernement Jebali cherche à faire participer le plus grand nombre de courants politiques à assumer la responsabilité en cas d'échec de la politique suivie actuellement à laquelle ils n'ont pas été associés. Ainsi, l'échec sera la responsabilité de l'ensemble des partis politiques alors que la réussite reviendra à Ennahdha». Pour ce qui est des attaques menées contre les constituants par le nouveau secrétaire général de l'Union patriotique libre (UPL), Skander Bouallagui fait remarquer que «le peuple tunisien est au fait des partis qui ont choisi dès le départ la politique de clientélisme et sait très bien que l'UPL ne dispose d'aucune idéologie ou programme clair et qu'il n'a pas à lancer des accusations sans fondement contre d'autres acteurs de la scène politique nationale». Mohamed Brahmi, constituant élu au nom du Parti du mouvement du peuple, pense quant à lui qu'avec «l'élection de Habib Kheder au poste de rapporteur général de la commission d'élaboration de la Constitution et d'Azad Badi (CPR) et Mabrouk Hrizi (indépendant proche d'Ennahdha), la Troïka a mis sous sa coupe la rédaction de la future Constitution. Je suis convaincu qu'elle influencera grandement la rédaction de la Constitution qui est déjà prête. Alors que le discours selon lequel la coalition concerne uniquement le gouvernement en place n'est en réalité qu'une tentative de rassurer l'opposition et les composantes de la société civile et de dissiper leurs craintes à propos du caractère civil de l'Etat et du respect des libertés publiques et individuelles». Qu'en est-il du débat engagé, à l'initiative de Hamadi Jebali, avec les partis politiques représentés au sein de l'ANC ? «C'est un débat qui pourrait être compris comme le début d'une prise de conscience que la crise politique actuelle ne peut être surmontée que dans le cadre d'un programme de salut national à l'élaboration duquel participeront toutes les forces nationales engagées à concrétiser les objectifs de la révolution. Personnellement, je suis pour une période transitionnelle qui pourra aller jusqu'à dix ans en vue de fonder un Etat réellement démocratique et pour la formation d'un gouvernement de compétences nationales qui seraient choisies en dehors de toutes les appartenances ou luttes partisanes». Toutes les interprétations sont permises Hichem Hosni, constituant représentant le Parti du militantisme progressiste, ne mâche pas ses mots en déclarant : «La commission d'élaboration de la Constitution est tombée, avec l'élection du rapporteur général de la Constitution et de ses deux adjoints, sous la domination d'Ennahdha. Habib Kheder nous a déjà démontré en présidant la commission relative à la loi organisant provisoirement les pouvoirs publics qu'il a les moyens et les ficelles qu'il faut pour que la petite Constitution devienne la grande Constitution, comme le désirent Ennahdha et les partis qui gravitent autour d'elle». Volet gouvernement de salut public, il exprime sa conviction qu'il doit «être formé en dehors des partis politiques et dirigé par une personnalité indépendante. Quant aux partis, leur rôle est de se consacrer à l'encadrement de la société». La période transitoire doit-elle être limitée à un délai déterminé ou restera-t-elle ouverte à toutes les éventualités ? Hichem Hosni relève qu'«il y a peut-être un accord interne entre Ennahdha et le CPR pour que les choses traînent et afin que cette étape de la deuxième transition puisse atteindre deux ans pour ne pas dire trois années comme l'a toujours soutenu le président Marzouki. De toutes les manières et au vu du rythme suivi par les travaux de la Constituante, toutes les interprétations restent possibles. Il suffit de relever que les débats sur la Constitution ne commenceront effectivement qu'en avril prochain puisque les mois de février et mars seront consacrés à la discussion du budget complémentaire». Nous tendons la main à tout le monde Un autre son de cloche chez Habib Kheder, le rapporteur général de la Constitution, qui estime qu'il n'y a pas «lieu de penser à un gouvernement de salut public dans la mesure où le gouvernement actuel est le premier gouvernement à être élu par le peuple et qu'il a pris ses fonctions il y a à peine un mois, ce qui ne permet pas d'évaluer objectivement son rendement, encore moins penser à le remplacer par un autre gouvernement». Pour ce qui est de la Troïka qui est pressentie par certains comme voulant dominer la phase d'élaboration de la Constituante, il précise : «Il n'y a pas lieu de parler de Troïka en matière de rédaction de la Constitution. Notre coalition est exclusivement gouvernementale. Cependant, Ennahdha tend la main toujours à toutes les forces qui partagent sa vision et ses orientations, et la Troïka peut s'élargir à d'autres partis. Il reste qu'à ma connaissance, le mouvement Ennahdha ne dispose pas jusqu'à aujourd'hui d'une version définitive de la future Constitution».