Le jeudi 2 février, les laboratoires LTC Gammarth ont accueilli la projection de deux courts métrages tunisiens: Bulles de Karim Bessaissa et Le fond du puits de Moez Ben Hassan. Le premier est produit par Tarek Ben Ammar, le deuxième avec son soutien. Ils partent concurrencer d'autres films dans des festivals internationaux. Les journalistes, conviés à assister à la projection, étaient loin de s'imaginer ce qui les attendaient. En effet, Nabil Kila, le directeur général des laboratoires, a fait de cette séance une occasion pour passer volontairement à la chaise des confessions. Souffrant d'un cancer, il s'est dit prêt à tout révéler, sans avoir peur de personne. Mais révéler quoi et surtout, comment et pourquoi ? La séance a très vite pris les allures d'une mascarade, sous le regard des journalistes cherchant un sens à tout ce qui se passait. Avant la projection de chaque film, Nabil Kila prenait la parole pendant un quart d'heure (maximum, ordre du médecin), pour porter à la connaissance de l'audience des bribes de révélations, éparpillées, prenant parfois la forme d'un délire. Il a commencé par le tournage de Or noir, dont les dernières étapes ont coïncidé avec les événements du 14 janvier. Entre le sud de la Tunisie et Hammamet, le climat d'insécurité et d'incertitude qui régnait, à l'époque, ne pouvait qu'affecter les conditions de tournage. Pendant la conférence de presse accordée par Tarak Ben Ammar pour la sortie de ce film, il avait révélé que toute l'équipe était exemplairement solidaire et soudée, que tous ont refusé de partir, dont Antonio Banderas et le réalisateur Jean Jacques Annaud. Les jeunes de Hammamet sont venus par eux-mêmes protéger les studios du producteur les jours qui ont suivi le 14 janvier, marqués par l'absence des forces de l'ordre. Nabil Kila affirme que cela a fait que la peur a gagné beaucoup de membres de l'équipe du tournage qui sont partis, dont Banderas, contrairement à J.J Annaud qui a tenu à rester. Il a également révélé qu'il a payé l'armée (300 mille dinars) et les taulards de la ville de Hammamet pour protéger les sites de tournage. A la fin de la rencontre, des CD et des documents ont été remis aux journalistes, contenant des informations sur la situation des LTC Gammarth et de son contrat avec le ministère de la Culture. Quant aux courts métrages projetés, objet principal de la conférence, ils l'ont été en présence des deux réalisateurs et de quelques comédiens. Bulles est d'une durée de 10 minutes , avec la participation de Taoufik El Ayeb, Chadly Arfaoui, Houssem Sahli, Salah Ben Youssef et Nadia Boussetta. Son histoire établit le lien entre la pédophilie et la prostitution, à travers l'histoire d'une jeune fille anéantie et traumatisée par un viol subi dans son enfance. Le fond du puits, qui dure 14 minutes, relate l'histoire de Lotfi, un jeune envahi par le désespoir et qui pense au suicide. Il se trouve engouffré dans un terrible cauchemar dans lequel il voit l'être qui lui est le plus cher, sa mère Khadija, subir les conséquences de sa noire décision. Le film se veut donc quelque part moralisateur, sans pour autant abandonner le souci esthétique. Les réalisateurs des deux courts métrages ont eu peu de temps pour s'exprimer, comme ils n'ont pas pu interagir avec les journalistes, venus principalement pour cela. La projection a malheureusement été reléguée au second plan devant l' « envie de révéler » qui a pris Nabil Kila, sans que l'opération ne fût pertinente ou fructueuse, laissant dans la tête des présents beaucoup d'étonnement et davantage de questions que de réponses.