• C'était le temps des fleurs où l'on vivait sans peur du lendemain qui était pourtant, mille fois hélas, prometteur. Un discours pluriel, à plusieurs voix, pour dénoncer les égarements observés aujourd'hui. L'originalité de cet ouvrage tient au fait qu'il a été écrit par d'anciens élèves de classe terminale, toutes sections confondues. Ouled Kesmi ou Les copains de ma classe est le pseudonyme choisi par une vingtaine de candidats à l'examen du baccalauréat, promotion de 1975, au lycée Khaznadar, grâce à Facebook et aux utilisateurs de ce réseau social pour porter leur voix 37 ans après que les pistes de leur itinéraire se soient mêlées et brouillées. C'est tout à fait par un simple coup de dés du hasard que ces copains de classe se sont retrouvés et ont mis à contribution leurs expériences multiples pour comprendre les chemins de traverse parcourus depuis le Bac. Des itinéraires choisis au gré des humeurs du moment, parfois sans grande conviction ou aptitude spéciale. D'où des déboires et des déceptions amèrement ressentis. Néanmoins, certains ont réussi à mener à leurs termes des études supérieures et jouissent à présent d'une situation fort brillante. D'autres ont changé de filière et, au prix de beaucoup de patience et d'endurance, ont vu leurs efforts aboutir. L'insouciance d'une époque Tout comme en politique, les parcours ont évolué, les obédiences de gauche avec marxistes trotskystes, maoïstes, léninistes, les théories capitalistes, baasistes, perspectivistes et nassériennes ont coexisté sans heurts majeurs, presque pacifiquement, et si toutefois il y a eu des prises de bec, elles n'ont jamais dépassé le stade de la politesse et de la courtoisie, et n'ont jamais dégénéré en troubles. Les copains de ma classe raconte en détail, avec infiniment de nostalgie et de regrets attendris une tranche de vie, de presque quatre décennies d'une jeunesse à l'âge de l'adolescence, mais tout de même arrivée à maturité, une jeunesse débordant de vie et heureuse de mordre à pleines dents à l'existence. Ces jeunes loups ont pour nom Jallel, Majda, Myriam, Lilia, Mounira, Safia, Slah, Mohamed, Mohieddine, Ahlem, Kamel, Elhem, Khalil et... tous imbus du principe sacro-saint de la modernité. Parce qu'ils aiment la vie et qu'ils lui vouent un grand respect, ils se sont pris de passion pour la musique de Pink Floyd, Eddie Murphy, Cat Stevens, King Simson, Leonard Cohen, Bob Dylan, Myriam Makeba, Charles Aznavour et les films cultes d'Alain Resnais, les adaptations de Robbe-Grillet, et des acteurs Kim Wenders, Al Pacino, Marlon Brando, des sportifs Cassius Clay et le champion olympique Mohamed Gammoudi, et les joueurs d'échecs Kasparov et Bob Fisher, les plus fins et les plus grands stratèges de tous les temps. Que sont devenus aujourd'hui ces «hasbeen» bedonnants et grisonnants, autrefois férus de boums et de surprises-parties, de danses chaloupées, de rock, de slow et de tango? Une époque où l'on ne parlait pas encore de voile islamique et de burqa, du degré de piété et de ferveur religieuse, de l'absence du respect des libertés publiques et du degré zéro de tolérance. Aujourd'hui, tout fout le camp. On vous agresse pour un simple délit d'opinion, on vous prive du droit à la parole; et c'est au nom de tous ces principes que ce collectif «Mes copains de classe» s'est constitué pour porter un témoignage des plus poignants sur des blessures qui ne disent pas leurs noms et d'un passé, dont on tarde à guérir. Le mur des souvenirs, par Ouled Kesmi (Mes copains de classe), Arabesques éd. Tunis novembre 2011