Depuis plus de vingt ans, Mezri Abdou a une seule idée en tête: développer le thermosolaire en Tunisie. Ce brillant ingénieur civil, qui a poursuivi ses études supérieures en France, a créé son propre laboratoire de recherche privée en thermosolaire, en réfléchissant à l'éventualité de faire profiter la Tunisie des dernières avancées et découvertes dans ce domaine. Mais à l'époque, la tâche était loin d'être aisée. Le jeune chercheur avait, alors, tenté de sensibiliser les ministères de la Recherche scientifique, de l'Industrie et l'Agence nationale de protection de l'environnement sur les enjeux du développement du thermosolaire, en tant qu'alternative aux énergies fossiles. «Je voulais attirer leur attention sur l'urgente nécessité d'exploiter le thermosolaire aussi bien dans le domaine de la recherche que de l'industrie durable. Le grand intérêt que je porte au thermosolaire est le reflet de ma vision sur l'avenir de la Tunisie en matière d'indépendance énergétique, notamment dans les secteurs du bâtiment, de l'industrie manufacturière et agricole et surtout dans le développement des secteurs de la recherche scientifique et de la formation». Le chercheur était parti du constat que l'accroissement des besoins énergétiques s'accompagnait d'un épuisement progressif des énergies fossiles (pétrole, gaz, bois, charbon...) coûteuses, sans compter que ces dernières représentent une grande source de pollution pour l'environnement, menaçant à terme la race humaine. Dès les années quatre-vingt, l'ingénieur lance une série de projets destinés à exploiter l'énergie solaire renouvelable dans les secteurs vitaux: civil, industriel et agricole, en utilisant la chaleur basse, moyenne et haute température, à la place de l'énergie fossile et nucléaire coûteuse et polluante. « A travers le développement de ces projets, je cible la réduction des dépenses énergétiques en exploitant l'énergie solaire propre, puissante et gratuite. Une telle action permet, sur le plan écologique, de réduire les émissions de gaz à effet de serre». En 1978, alors enseignant à l'Enit, Mezri Abdou propose à l'école un programme de recherche scientifique et d'innovation technologique dans le domaine du solaire vite relégué aux oubliettes. En 1984, le chercheur propose à l'Agence nationale de maîtrise de l'énergie (ANME) de réaliser un bâtiment fonctionnant essentiellement à l'énergie solaire, mais le projet est rejeté par l'agence et développé finalement en France où il est expérimenté avec succès. L'ingénieur ne baisse, pourtant, pas les bras. En 1994, il met sur la table du ministère de la Recherche scientifique un projet de fabrication d'un prototype produisant de l'eau chaude à partir de l'énergie solaire, destiné aux logements particuliers, à l'industrie... Mais à la fin des travaux, le ministère exige du chercheur qu'il lui soumette son brevet pour être payé. «J'ai fini par abandonner le projet après avoir déboursé plus de 5.000 dinars et un an de manque à gagner en France», a observé Mezri Abdou. Ce dernier ne renonce, pourtant, pas à son rêve de voir le thermosolaire se développer en Tunisie et propose, en 2003, de créer une industrie de production de capteurs thermosolaires basse, moyenne et haute température servant à la production d'eau chaude, à la climatisation dans les bâtiments et au développement de centrales électriques et de dessalement de l'eau de mer, fonctionnant à partir de l'énergie solaire. Projet qui ne voit pas non plus le jour. Pourtant, les travaux de recherche de l'ingénieur servent de référence en France, en Allemagne et dans d'autres pays pour développer des projets dans le domaine du thermosolaire qui a pris son essor, vu l'alternative intéressante qu'il représente par rapport aux énergies fossiles. En 2007, Mezri Abdou est chargé de prendre la tête de la société de gestion privée appartenant à la famille Trabelsi afin de monter une industrie thermosolaire. «Projet qui échoue lamentablement», relate l'ingénieur revenu , aujourd'hui, en Tunisie avec un nouvel espoir: développer des projets à technologie innovante dans le domaine du thermosolaire, en espérant qu'on ne lui mettra plus de bâtons dans les roues.