Le projet, essentiellement euro-germanique, prévoit d'implanter des centrales solaires dans le Sahara. Un investissement de 400 milliards d'euros pour satisfaire 15% des besoins énergétiques de l'Europe. Le projet s'est déclenché le lundi 13 juillet 2009 à Munich avec un protocole d'accord de création du bureau d'études Desertec Industrial Initiative (DII), qui a pour objet « l'analyse et la mise en place d'un cadre technique, économique, politique, social et écologique en faveur d'une production d'énergie sans émission de CO2 dans les déserts d'Afrique du Nord ». Le projet ne se limite d'ailleurs pas à cette région et à l'Europe, puisqu'il concerne aussi le Moyen-Orient, d'où l'appellation EU-MENA (Europe, Middle East, North Africa). L'exploitation de l'énergie solaire du Sahara à partir de centrales thermiques qui fait tant rêver, rentre donc dans une phase opérationnelle, du moins sur le papier. En plus du solaire, plusieurs autres énergies renouvelables, comme l'éolien, sont intégrées au projet. Les promoteurs du vaste projet de connexion de centrales solaires dans le désert du Sahara cherchent la technologie la plus adaptée et tentent de convaincre des partenaires d'Afrique du Nord. Echec politique à l'échelle planétaire, Copenhague aura été un coup marketing inespéré pour le soleil du Sahara. En assurant la promotion de la réduction des émissions de gaz carbonique (CO2), le sommet sur le climat a désigné comme porteurs d'avenir les projets de centrales solaires thermiques tel celui de Desertec. Abderrahim Triki, secrétaire d'Etat tunisien en charge de la Coopération internationale et de l'Investissement extérieur, a récemment rencontré Paul Van Son (CEO de Desertec) à Munich. Preuve que le projet intéresse aussi les acteurs locaux, la fondation Desertec compte parmi ses membres de la première heure le Tunisien Miled Mouldi, patron d'Ulysoft qui a déclaré à Jeune Afrique : « Il importe désormais de promouvoir Desertec au niveau officiel, mais aussi universitaire et scientifique. Nous ne devons pas rester spectateurs, il nous faut décliner le concept à notre réalité, nos projets propres et nos besoins ». Desertec : Combien ça coûtera ? Les experts estiment le montant du projet Desertec à environ 400 milliards d'euros sur 40 ans, dont 350 milliards d'euros pour la construction des centrales solaires thermiques et les 50 milliards restant pour la fabrication de réseaux à haute tension de transport de l'électricité entre l'Afrique et l'Europe. En prenant en compte les retards dans la mise en œuvre du projet et les délais relativement longs pour les négociations politiques avec les pays concernés, le budget sera beaucoup plus élevé. L'inconvénient est la compétitivité de l'énergie thermosolaire par rapport aux autres sources d'énergies. Le coût de production du kWh thermosolaire oscille entre 15 et 30 centimes d'euros, contre 3 à 5 centimes d'euros pour le kilowattheure nucléaire ou fossile. Des innovations technologiques (échangeurs thermiques plus performants, miroirs plus simples, augmentation du rendement des réseaux de transport) et une production de masse due à l'augmentation de la demande permettraient d'abaisser les coûts de production. D'après les estimations du Centre aérospatial allemand, si les centrales thermiques solaires étaient construites en grand nombre dans la décennie à venir, les coûts pourraient être abaissés jusqu'à 4 et 5 centimes d'euro le kWh. Dans le contexte actuel, Desertec ne peut donc pas être économique rentable sans une intervention des pouvoirs publics (subventions, tarifs d'achats, etc.). Qui profitera de Desertec ? Les études satellitaires du Centre aérospatial allemand ont démontré qu'avec moins de 0,3% de la surface totale des déserts de la région MENA, on peut produire suffisamment d'électricité et d'eau douce pour répondre à l'augmentation des besoins de ces pays et de l'Europe. Les promoteurs de Desertec envisagent de satisfaire 15% des besoins électriques de l'Europe à partir des centrales solaires du Sahara en 2050. Pour les populations du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord (MENA), ils prévoient une fourniture importante d'énergie propre, des emplois, des sources de revenus, des infrastructures améliorées, des possibilités de dessalement d'eau de mer et de nombreux bénéfices potentiels (comme par exemple pour l'agriculture) apportés par l'ombre des collecteurs solaires (miroirs de Fresnel). Ce qui ne rassure pas Houda Ben Jannet Allal, directrice du développement stratégique à l'Observatoire Méditerranéen de l'Energie (OME), qui regroupe les principales compagnies énergétiques de la région, d'après les propos tenus dans Le Monde « A l'exception de l'Algérie, de l'Egypte et de la Libye, qui disposent de ressources fossiles, les pays du sud de la Méditerranée sont en situation de dépendance énergétique. Selon certains scénarios, leurs besoins vont augmenter de 70% dans les vingt ans à venir. Même si le soleil est une ressource illimitée, les sites les mieux adaptés à l'installation de centrales ne seront plus disponibles pour ces pays, le jour où ils posséderont leur propre technologie solaire. » Quelle opportunité pour le Maghreb ? Les décideurs politiques africains peuvent tirer profit de l'initiative DII. Les études techniques étant déjà réalisées, l'UMA peut s'appuyer sur le projet Desertec, dans le cadre des négociations climatiques, en mettant en valeur l'apport d'énergies renouvelables et la limitation des émissions de CO2 pour la sous-région. L'objectif est d'obtenir des financements pour préparer l'après pétrole et gaz, notamment en Libye ou en Algérie, de contribuer à l'indépendance énergétique du Maroc ou encore de lutter contre le stress hydrique causé par le changement climatique en Tunisie. En effet, le budget de Desertec serait suffisant pour assurer l'indépendance énergétique de l'ensemble du continent africain. En croisant le développement des centrales thermosolaires au Sahara avec des projets ambitieux d'éolien le long des côtes africaines (Maroc, Mauritanie, etc.) et la valorisation du potentiel hydro-électrique africain, l'objectif peut être atteint et le surplus d'énergie serait exporté vers l'Europe.