Dans la foulée des dérives sécuritaires qui distinguent, ces dernières semaines, le paysage politique national, pas uniquement dans la capitale ou dans les grandes villes, l'on est en droit de se demander : à qui profite l'insécurité et pourquoi les actes de violence et de violation des droits les plus élémentaires du citoyen se multiplient-ils à un rythme de plus en plus soutenu ? Une autre question taraude l'esprit de ceux qui suivent, de près, l'évolution de la vie politique nationale : est-il normal que le gouvernement, qui a le monopole de la violence légitime laisse traîner les choses et évite d'intervenir énergiquement afin que l'on ne dise pas que la Troïka use de la force contre les manifestants et les sit-inneurs bien que reconnaissant que leur comportement est passible des sanctions pénales les plus lourdes ? Hier, Lazhar Akremi, ancien ministre au gouvernement Essebsi, chargé des Réformes sécuritaires et que l'on peut considérer, désormais, comme un spécialiste en la matière, notamment pour son «livre blanc» qu'il a légué à Ali Laâryedh pour qu'il s'en inspire dans le domaine de l'institution d'une nouvelle police républicaine digne des objectifs de la révolution du 14 janvier 2011, a essayé d'analyser les causes et les effets de l'absence de sécurité à l'échelle politique, sociale, économique et au niveau des rapports des Tunisiens avec les pouvoirs publics. Le sentiment de défier impunément l'autorité Akremi revient sur les événements du 14 janvier qu'il estime comme «étant, d'une manière ou d'une autre, une dérive sécuritaire puisque les forces de l'ordre n'ont pas réussi à maîtriser la situation. Et ce fut la révolution grâce à laquelle tout est devenu possible et la crainte qu'avaient les Tunisiens de parler politique, de critiquer Ben Ali et ses proches et de dire leur ras-le-bol face à des comportements irresponsables et des actes condamnables qu'on prenait pour des attitudes révolutionnaires longtemps étouffées». «Malheureusement, avant les élections de la Constituante, les partis politiques pour lesquels la victoire était une fin en soi ont laissé les choses se détériorer au point qu'après le choix, le 23 octobre dernier, d'une autorité légitime, le sentiment de défier le pouvoir et de le voir plier devant les revendications quelle que soit leur nature, et de sortir vainqueur de toute confrontation avec ce même pouvoir, à l'échelle nationale, régionale et locale, s'est poursuivi de plus belle», relève-t-il encore. Comment sortir de cet imbroglio que l'ex-ministre des Réformes sécuritaires qualifie «de climat de violence» et non de situation de violence dont la maîtrise est devenue impossible pour certains ? Bien qu'il reconnaisse qu'une certaine crise de confiance persiste encore entre le citoyen et l'agent de sécurité, Lazhar Akremi puise dans son expérience au ministère de l'Intérieur quelques signaux d'optimisme qui lui permettent de proposer une feuille de route qui pourrait aider à surmonter les difficultés actuelles et ouvrir la voie pour que «ces policiers qui n'ont pas été accompagnés psychologiquement durant la révolution et qui ont accompli dans l'insécurité totale, pour eux mêmes et pour leurs familles, leur mission avec un rendement des plus satisfaisants puissent accéder au statut d'une police républicaine obéissant aux normes en vigueur dans les pays les plus démocratiques et avancés dans le monde». Il avance, en effet, des propositions pratiques qui pourraient refléter une autre image de la police. Ainsi, appelle-t-il au réaménagement des postes de police de manière à ce qu'ils deviennent plus accueillants et offrent au citoyen qui y entre un sentiment de quiétude. Il considère, d'autre part, qu'il est temps de créer un commandement unifié des forces de sécurité, de manière à éviter la dissipation de la décision entre police publique, garde nationale, etc. Il suggère, dans cet ordre d'idées, la création d'un poste de directeur régional de la sécurité qui chapeautera tous les services sécuritaires de la région. Akremi est convaincu également de la nécessité de la création d'une police municipale non armée, une police de proximité qui sera supervisée par le président de la municipalité. Encore une proposition, le changement de l'uniforme que portent les policiers (en optant pour un uniforme proche de celui de la police allemande) et l'application de cette nouvelle approche, dans un gouvernorat à déterminer, en tant que première expérience avant de la généraliser progressivement aux autres régions. Les participants à la rencontre organisée par l'Alliance des partis «Al Wifak», «Mouvement citoyenneté», «Parti de la liberté et du développement» et «le Parti de la gauche moderne» ont notamment insisté sur «l'absence de sentiment d'appartenance à la nation. Ainsi, les termes citoyen et Républicque ne font plus partie, depuis quelque temps, du discours politique du gouvernement». Des intervenants ont relevé que «de plus en plus on parle de changement de régime et non plus de révolution et on a le sentiment que la Tunisie a pris naissance en 2012, c'est-à-dire après l'accession d'Ennahdha et de ses alliés au pouvoir. Pis encore, nous avons le pressentiment que l'on nous offre la sécurité et le développement en échange de la démocratie qui peut attendre».