La décision prise jeudi 22 mars par le ministère public de la Confédération Suisse autorisant la Tunisie à accéder au dossier pénal ouvert contre Belhassen Trabelsi en tant que partie plaignante aura-t-elle un effet effectif sur les efforts entrepris par la justice tunisienne en vue de faire extrader le beau-frère du président déchu et récupérer les milliards qu'il a spoliés et qu'il a déplacés en Suisse ? Quelles sont les procédures que le gouvernement tunisien et ses différentes commissions spécialisées peuvent entreprendre en vue d'accélérer le dossier Belhassen Trabelsi et d'ouvrir une brèche dans les législations occidentales (suisse et canadienne) que ses avocats exploitent à merveille dans le but de lui épargner d'être extradé en Tunisie et d'y être jugé ? Ces interrogations s'imposent d'autant plus que la décision annoncée par le ministère public de la Confédération Suisse (MPC) acceptant que notre pays soit considéré comme une partie prenante dans le procès intenté contre Belhassen Trabelsi, accusé «d'avoir blanchi des dizaines de millions de francs en Suisse», est venue mettre du baume au cœur des Tunisiens. En effet, l'attente a été longue de voir la justice suisse s'intéresser sérieusement au parrain du clan Trabelsi et de donner une réponse positive aux différentes réclamations de la justice tunisienne. Une victoire pour rien Pour Me Enrico Monfrini, avocat de la République Tunisienne, chargé du suivi du dossier des avoirs spoliés et déplacés à l'étranger, qui s'exprimait sur Internet : «La décision du Tribunal pénal fédéral (TPF) est une grande victoire. La Tunisie bénéficie enfin de l'accès aux pièces du dossier du ministère public de la Confédération. Cela veut dire que la lutte commence maintenant et que l'espoir de retrouver et de restituer les fonds est là». Quant à Maria-Antonella Bino, procureur générale suppléante du MPC, s'exprimant également sur la Toile, elle relève que «la Tunisie a des droits et elle va les exercer sous les conditions fixées par le tribunal pénal fédéral et ainsi comme elle le demande, poursuivre ses recherches pour savoir où se trouvent les avoirs spoliés». Du côté du ministère de la Justice, en Tunisie, un sentiment de satisfaction générale règne après l'annonce de la décision de la justice suisse. L'on considère, en effet, que «les efforts fournis par les commissions chargées du suivi de la récupération des biens spoliés par le clan Ben Ali - Trabelsi commencent à porter. La machine judiciaire est déclenchée et l'on ne peut qu'être optimiste sur les résultats des recherches qui se poursuivent en Suisse et dans d'autres pays. Seulement cette touche d'optimisme s'estompe largement, pour ne pas dire complètement, à l'écoute de la réaction d'une source autorisée auprès de l'Observatoire de l'indépendance de la justice». «D'abord, il faut commencer par se poser la question de savoir s'il y a une convention d'entraide judiciaire et d'extradition entre la Tunisie et la Suisse et quand on découvre que les Helvétiques ne signent jamais de conventions de ce genre, on réalise que la décision du ministère public de la Confédération Suisse n'aura aucun effet réel ou impact effectif sur le dossier relatif aux poursuites judiciaires engagées contre Belhassen Trabelsi», note-t-elle. La même source ajoute : «L'affaire contre Belhassen Trabelsi est intentée par le minisètre public suisse devant un tribunal suisse. Et s'il y a réquisition ou fonds à saisir, c'est bien l'Etat suisse qui en prendra possession et la Tunisie n'aura rien à encaisser». Ce qu'il faudrait mettre en œuvre, «c'est bien une véritable politique de suivi des poursuites engagées par les différentes commissions créées au sein du ministère de la Justice, des Finances ainsi que de la Banque centrale en vue de récupérer les biens déplacés à l'étranger». «Un an après leur mise en place, de quel bilan, martèle encore notre source, ces commissions peuvent-elles se prévaloir ? Plus encore, aucun jugement n'a été rendu, depuis la révolution du 14 janvier 2011, contre quiconque parmi les anciens symboles de l'ancien régime, lequel jugement est censé constituer la preuve de la culpabilité des personnes impliquées et autoriser leur extradition». Il est à préciser que la Tunisie est obligée par «le TPF de donner formellement son engagement à ne pas utiliser les informations qu'elle obtiendra devant la justice tunisienne», d'une part, et que le tribunal pénal fédéral (Suisse) «peut accepter un recours qui serait déposé par Belhassen Trabelsi».