Par Soufiane BEN FARHAT Le retour en force des heurts, des manifestations populaires et de la brutale répression policière pose problème. Visiblement, si on ne s'empresse pas d'arrêter les dégâts, la dynamique infernale l'emportera. «On» implique bien évidemment le gouvernement et la coalition tripartite au pouvoir. Ils doivent lire l'actualité, à moins de devenir sourds aux réactions populaires en chaîne. Et quiconque a des yeux pour voir y souscrit : après les violences subies par les manifestants à Tunis ce 9 avril, Hammamet, Sousse, Monastir, Sfax, Sidi Bouzid, Gafsa et bien d'autres régions du pays ont bougé. De leur côté, et en guise de protestation aux violences policières du 9 avril, les députés de l'opposition à l'Assemblée nationale constituante (ANC) se sont retirés hier de la séance d'audition de Houcine Dimassi, ministre des Finances. Ils ont demandé au président de l'ANC, Mustapha Ben Jaâfer, l'organisation d'une séance urgente et exceptionnelle avec Ali Laârayedh, ministre de l'Intérieur. Les députés ont par ailleurs décidé d'organiser une marche pacifique à 15h00, précisément à l'avenue Habib-Bourguiba. Le gouvernement le sait. La violence s'engendre en chaîne. L'action égale la réaction et les effets pervers et contreproductifs des brutalités sont évidents. Beaucoup de membres de l'actuel gouvernement en sont convaincus, pour avoir subi longuement la répression de l'ancien régime et réagi en conséquence. D'ailleurs, la Troïka gouvernementale ne semble pas résister à l'épreuve des faits. Ainsi apprenait-on avant-hier en début de soirée que la présidence de l'Assemblée nationale constituante a condamné les agressions «qui ont ciblé, lundi, à Tunis, certains représentants du peuple, des juristes, des journalistes et des citoyens désarmés, lors d'une marche pacifique marquant la commémoration de la fête des Martyrs du 9 avril 1938», tout en exigeant «l'ouverture immédiate d'une enquête». De son côté, le Congrès pour la République (CPR) a exprimé, dans un communiqué rendu public dimanche 8 avril, son opposition à l'interdiction des manifestations sur l'avenue Habib-Bourguiba à Tunis. Le CPR avait également dénoncé la répression violente de la manifestation des diplômés-chômeurs qui a eu lieu samedi 7 avril 2012. Il a rappelé que, malgré son engagement au sein de la Troïka gouvernementale, il ne permettrait pas de nouvelles atteintes à la liberté de manifester. Visiblement, ça se gâte. L'exercice du pouvoir renferme beaucoup de risques et périls. Le mouvement Ennahdha le découvre à ses dépens. On ne saurait taxer toute opposition, toute démarche contradictoire de complot malveillant. Ce serait cultiver le solipsisme sur fond de paranoïa que d'y souscrire. Aujourd'hui, la scène politique se recompose. Les révolutions sont des ondes de choc, des séismes même. Leurs répliques tardent à s'épuiser. De temps en temps, des secousses et tremblements réapparaissent. L'essentiel est de ne point se croire définitivement stabilisé. Les révolutions sont aussi géologiques. Pour être bien dressée, une montagne subit, au début, beaucoup de boursouflures. Il manque aujourd'hui une voix sage. Celle qui dit que, somme toute, l'essentiel est de tirer la leçon des douloureux événements du 9 avril 2012 et de leurs contrecoups. Une voix, disons-le, autorisée. Comme celle de M. Mustapha Ben Jaâfar, président de l'Assemblée nationale constituante. Ou bien cela pourrait être une autocritique d'Ennahdha, principal parti de la coalition gouvernementale. En pareille situation, rien ne sert de s'aveugler, il faut débattre à point.