Samedi dernier, devant une salle comble, a été donné le coup d'envoi de la 9e édition des Rencontres Chorégraphiques de Carthage par la fondatrice de ce rendez-vous annuel, Syhem Belkhodja. Le spectacle de Imed Jemâa présenté lors de l'ouverture est un avant-goût du thème de cette session consacrée désormais à la comédie de la danse. La danse contemporaine emprunte aux autres styles pour raconter une histoire. Danse de l'emprunt donc, des émotions, chaque mouvement en appelle un autre. Chaque pas en impose un autre. La danse, une succession de mouvements qui n'en finit pas. Cela devient, forcément, un style de vie. Chaque danseur trouve le sien. Le spectacle de Imed Jemâa propose cependant différents style de vie, à travers diverses situations et une reconstruction du quotidien par l'imaginaire d'un autre rapport avec l'autre, chaque corps renvoyant à l'ordinaire mais aussi à l'originalité de chacun. Sur fond de musique lyrique, la danse du corps est entièrement liée au rythme : elle spatialise le rythme profond de l'être, le précède même parfois. Les situations s'enchaînent : des hommes travestis, deux hommes au café, fumant le narguilé, assistant à la performance d'un danseur classique et des propos, ainsi que des commentaires qui suscitent la plaisanterie. C'est plutôt le rapprochement des extrêmes et le fait de les façonner dans un même cadre qui amènent au comique, le comique de situation. Derrière les pas et les figures, se joue une aventure singulière. Au bal ou sur le parquet, les corps se trémoussent au gré du rythme comme si l'on voulait rejeter des siècles de tabous à travers ces moments de vérité avec son corps et son âme. Les corps des jeunes danseurs à savoir: Hamdi Dridi, Abdelkader Ben Hassine, Ali Selimi, Salim Ben Safia, Wajdi Gagui, Marwen Marouani, mis en scène, offrent une vérité qu'on pourrait qualifier de paradoxale puisqu'il ne s'agit pas d'applaudir des corps assujettis à une logique d'ordre, mais de mettre en exergue ce qui fait sens dans le spectacle : rendre visible l'invisible et plus encore le traiter et l'analyser. Ainsi Expire le 01-05-2010 présente notre vie ordinaire, cela dit la danse contemporaine n'est pas œuvre d'art réservée à une élite mais une pratique populaire de l'art où chacun peut puiser une forme sensible et s'y reconnaître. Imed Jémâa se fait miroir révélateur et déformant de nos existences triviales, et reflète un espace sur scène où le public peut se voir et se revoir. Et cet espace teinté d'ironie, de dérision joyeuse, d'humour et d'une jubilation proche de la tradition de la farce et du comique a pour "simple "fonction de bouleverser l'ordre du monde par une seconde, si brève soit-elle! Ce faisant, il nous amène à rire du spectacle de la danse. Mais rit-on de la danse elle-même ? Peut-on parler d'un comique de mouvement, comme il en irait d'un comique de situation ? C'est que le mouvement humain, dans sa maladresse à être, nous amène à rire de nous-mêmes, par le détour de l'autre c'est-à-dire: le différent, l'inadapté, le clownesque. Mais la danse en elle-même ne pourrait pas nous faire rire. Elle pourrait plutôt nous faire sourire, au-delà du raisonnable. Resterait à argumenter en quoi le sourire n'est pas un sous-rire, mais une danse intérieure, intime et silencieuse, de la pensée émue, surprise et enjouée?