La lecture faite par M.Mongi Boughzala, professeur en sciences économiques, du programme économique et social du gouvernement, révèle un ensemble d'incohérences et de contradictions. Le taux de croissance de 3,5% annoncé est, précise-t-il «une hypothèse faite sur la base d'une estimation dont la réalisation n'est pas certaine réellement et si ce n'était la conjoncture actuelle, ce taux n'est pas particulièrement ambitieux, la Tunisie réalisait, en effet, durant les vingt dernières années un taux de croissance moyen entre 4 et 5%». La relance de la croissance étant intimement liée à la situation politique et la sécurité, la question qu'on devrait poser, selon M.Boughzala, serait de savoir si on évolue réellement vers la stabilisation et si on va dépasser les turbulences. L'accélération de lacroissance, relève-t-il, exige la réalisation de réformes économiques et l'adoption d'un nouveau modèle de développement. Le plan de développement proposé par le gouvernement se fixe comme principales priorités l'emploi, le développement régional, la sécurité et la stabilité et la justice transitionnelle, ce qui est tout à fait conforme aux attentes du pays. Cependant, précise, encore, M.Boughzala, ce qui est proposé dans le volet emploi est loin de répondre à l'ambition légitime des jeunes. «En effet, la seule mesure réelle et objective annoncée est celle relative à la création de 25 000 emplois dans la fonction publique, mesure qui ne répond nullement au besoin recensé à ce niveau; le programme «Amal» revu et présenté comme incitation à la recherche active d'emploi souffre de l'absence d'un schéma clair qui permettrait d'en faire un programme efficace qui mène à de vrais débouchés», souligne-t-il encore. Evoquant la question du déficit budgétaire estimé 6,5% , le spécialiste note qu'un déficit est admissible durant deux ou trois années à partir du moment où il est justifié et que l'impact cumulatif soit gérable. Cependant, ajoute-t-il, et compte tenu de la situation actuelle, le déficit risque d'atteindre les 9% et qu'il n'est pas du tout plausible qu'on reviendra à 3% de déficit et à 4% d'endettement à l'horizon 2016, comme il est annnoncé dans le programme du gouvernement «Dans le programme du gouvernement, on est conscient qu'il faut préserver les équilibres macroéconomiques, ce qui est fondamental, toutefois on ne trouve aucun chiffre qui démontre que ce déficit pourrait être maîtrisé», ajoute M.Boughzala qui attire, par ailleurs, l'attention sur une autre faille du programme, à savoir celle que les dépenses annoncées ne répondent que partiellement aux objectifs qu'on s'est assignés soit l'emploi, le développement régional et l'équité sociale. «Si les dépenses étaient réellement destinées à ces chantiers, le déficit serait vraiment acceptable», note-t-il à ce propos. . Pour lui, ce programme aurait, surtout, été conçu dans l'optique de calmer les esprits, «Ce gouvernement, se retrouvant dans une situation difficile, évite de s'attaquer aux grands chantiers au risque de déplaire et de perdre des électeurs potentiels». Evoquant, enfin, l'annonce faite dans le programme économique et social quant à l'adoption d'une politique monétaire expansionniste, il note que le choix de la politique monétaire est du ressort de la Banque Centrale qui doit défendre son indépendance et veiller à assurer le rôle qui lui incombe, à savoir préserver la valeur de la monnaie et éviter l'inflation. En somme, ce programme serait surtout le fruit de contraintes politiques et non pas d'un souci économique.