• Une croissance négative de -1,8%, un chômage galopant de 18,7% et des investissements en chute libre. «Jamais nous n'avons connu une crise aussi grave», commente un expert. • «Mobiliser une partie des ressources de la nation dans les régions est de nature à fournir une sécurité et un état de confiance pour tout investisseur», explique un économiste. •Les effets de la politique monétaire sont limités par la non-convertibilité du dinar En période de crise, le débat sur les politiques de relance bat son plein. En d'autres termes, il s'agit d'allouer les budgets, d'arrêter les plans et d'engager les actions en vue de redémarrer l'appareil productif. Et les choix ne sont pas toujours figés, puisque toute politique économique a ses apports et ses limites. En effet, ce n'est qu'à la lumière des conséquences des plans économiques et des orientations politiques qu'on pourrait juger, a posteriori, si les actions engagées étaient appropriées ou non à la conjoncture économique. De toutes les manières, l'histoire a familiarisé les économistes avec tout genre de crise. De facto, à chaque situation, ils seront en mesure de recommander certaines politiques de relance. Toutefois, au moment où le vieux continent a opté pour un plan de rigueur drastique pour sortir de la récession, les décideurs d'outre-Atlantique ont privilégié une politique monétaire expansionniste. Avec la montée des revendications sociales dans les pays européens et le raffermissement des tensions inflationnistes aux Etats-Unis, il est clair que pour engager chacune de ces politiques, budgétaire ou monétaire, il y aura un prix à payer. Chez nous, la crise est là. Mais qui payera la facture? Dans ce cadre, l'Association tunisienne des économistes tunisiens (Asectu) a organisé récemment une rencontre pour débattre des performances de l'économie nationale en 2011 et des perspectives de 2012, ainsi que des politiques à mener. Pour l'année 2011, les experts ont brossé un sombre bilan. Une croissance négative de -1,8%, un chômage galopant de 18,7% et des investissements en chute libre. «Jamais nous n'avons connu une crise aussi grave», commente l'un des conférenciers. A cet égard, il convient de préciser que la dernière crise date de 1986. Elle s'est soldée par l'adoption du Programme d'ajustement structurel (PAS). Au titre de l'année dernière, les gouvernements de transition successifs ont tout essayé. Ni la politique budgétaire expansionniste ni la politique monétaire expansive n'ont permis de relancer l'économie. D'ailleurs, l'accroissement du déficit budgétaire n'a pas généré l'accélération des investissements, puisque ces fonds ont été distribués généreusement à des fins non productives, de consommation, à l'instar des allocations du programme Amal qui ont encouragé les chômeurs diplômés bénéficiaires à rester dans la même situation de demandeurs d'emploi. D'un autre côté, l'injection de la monnaie et la révision à la baisse du taux du marché monétaire (TMM) n'ont pas incité les entreprises à investir. Cela leur a permis de réduire leurs charges financières. D'où il est plus profitable de rembourser les crédits que d'en octroyer, puisque nul ne garantit que ces taux seront les mêmes dans quelques années. Sur un autre plan, ces taux ont constitué une aubaine pour les consommateurs. Avec de nouveaux budgets sous forme de crédits bon marché, ils en profiteront pour élargir leurs courses à des produits importés, inaccessibles avec les budgets habituels. Dans ce cas de figure, ce sont les producteurs étrangers qui bénéficient, réellement, de ces faibles taux. «Les effets de la politique monétaire sont limités par la non-convertibilité du dinar», renchérit l'un des économistes. Une telle politique, dit-il, est envisageable pour offrir un gilet de sauvetage au système bancaire, mais elle est insuffisante pour relancer l'économie. Les investisseurs évoluent au rythme des dépenses publiques Ainsi, pour sortir de l'impasse, à en croire les analyses des conférenciers, c'est l'outil budgétaire qui est fortement recommandé. D'après ces experts, les lois de finance complémentaires seront en mesure de rectifier le tir et de répondre aux maintes exigences du contexte actuel. Porter le déficit budgétaire à 6% ou à des niveaux supérieurs pourrait fournir d'importantes marges pour pallier quelques ambiguïtés des investisseurs. La consommation du secteur public constituera des marchés importants et ainsi des recettes tant recherchées par les entreprises en difficulté, ce qui favorisera vraisemblablement leur reprise. En plus, en engageant des projets d'envergure, l'Etat donnera l'exemple et apportera des éléments de garanties pour les investisseurs tunisiens et étrangers, encore en état d'attente. «Mobiliser une partie des ressources de la nation dans les régions est de nature à fournir une sécurité et un état de confiance pour tout investisseur», explique l'un des économistes. Mais il faut surveiller de près une politique budgétaire expansionniste basée sur des prévisions ambitieuses. En effet, au cas où la croissance et les recettes seraient en deçà des niveaux prévus, ce qui est, d'ailleurs, fort probable, et si les cours évoluent plus rapidement que les prix moyens utilisés pour la traduction financière des rubriques du budget, le déficit budgétaire prévisionnel de 6% pourrait être dépassé.