L'Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) a bien réussi son baptême du feu en parvenant à assurer le succès des premières élections libres, transparentes et honnêtes dans l'histoire de la Tunisie. La journée du 23 octobre 2011 restera gravée dans la mémoire des Tunisiens comme la journée qui les a vus se réconcilier avec l'opération électorale et reprendre confiance en le principe même de l'élection des responsables auxquels ils ont accordé leur confiance pour conduire l'étape de transition qui devrait faire migrer la Tunisie définitivement vers la démocratie et le pluralisme. Mais il demeure des erreurs, des errements, des dépassement dont il importe d'identifier, d'analyser les causes et de penser, ensemble, les meilleurs moyens à mettre en œuvre, en vue de ne pas les répéter à l'occasion des prochaines élections législatives et présidentielles, au cas où les constituants opteront pour un régime présidentiel. Les participants à la table ronde, organisée, hier, sur le thème : «Quelle place pour une instance des élections dans la nouvelle Constitution tunisienne», ont eu le loisir de découvrir en Mme Florence Mardirossian, membre de la mission d'observation électorale de l'UE en Tunisie de septembre à novembre 2011, plusieurs facettes dont en premier celle de l'observatrice qui ne rate rien et qui s'intéresse à tout, y compris les détails les plus insignifiants pour beaucoup de gens mais qui peuvent décider de l'issue d'une élection. Ensuite, la facette de l'experte qui fait les comparaisons entre les différents processus électoraux qu'elle a déjà suivis et les élections du 23 octobre 2011 en Tunisie. «Ainsi au Kirghizistan, a-t-on insisté en 2010 pour organiser les élections après la fuite du président, et ce, en dépit des affrontements qui ont fait des dizaines de morts, poussant des milliers d'Ouzbeks à quitter le pays». Elle estime que «le système politique paiera pendant des décennies cette erreur, dans la mesure où, si l'on ne peut pas organiser des élections sur des bases solides, il faut les reporter. Et c'est ce qu'a fait la Tunisie en repoussant les élections du 24 juillet au 23 octobre 2011». Et Mme Mardirossian de rappeler les différentes étapes qui ont précédé les élections du 23 octobre dernier, notamment les deux étapes d'inscription sur les listes électorales, précisant que «malheureusement, près de 50% des électeurs potentiels ne se sont pas inscrits bien que l'Isie ait permis aux retardataires de le faire jusqu'à quelques jours avant les élections. Le taux de participation, lui aussi, n'a pas dépassé les 50% du nombre total de ceux qui pouvaient voter, d'où la nécessité de faire en sorte qu'un maximum d'électeurs puissent voter lors des prochaines élections.» Elle revient sur les difficultés ou les manquements qui ont accompagné l'opération électorale du 23 octobre dernier. Elle cite le fait que plusieurs milliers de Tunisiens n'ont pas voté parce qu'il ont été incapables de s'inscrire pour des raisons de logistique (logeant très loin des bureaux d'inscription, le serveur vocal mis à leur disposition n'ayant pas fonctionné). Elle a évoqué «le recrutement des agents électoraux (responsables des bureaux de vote) qui doivent être choisis bien avant la période électorale». Elle conseille d'éviter «les accréditations de dernière minute, de mettre en place un mécanisme permettant de contrôler le financement des campagnes électorales», appelant par la même occasion «à fixer dès à présent une date en vue des prochaines élections». Hamid Kraïem, membre de l'Instance régionale indépendante des élections de Tunis I, a traité du thème d'une étape des plus cruciales dans tout processus électoral. Il s'agit de l'étape des inscriptions des électeurs qu'il considère «comme étant une opération longue et coûteuse et que si elle est bien menée, elle assure la légitimité du processus électoral». Il est revenu sur les trois principaux fondamentaux sur lesquels se base la détermination des listes électorales : l'actualisation continue pour éviter que des électeurs ayant atteint l'âge d'être inscrits ne soient oubliés volontairement ou involontairement, l'exactitude et l'exhaustivité. Comment s'inscrire ou être inscrit sur les listes électorales ? Hamid Kraïem a dégagé plusieurs formules dont l'exercice par l'électeur de son droit de se faire inscrire sur les listes de sa région, le porte-à-porte effectué par l'Instance électorale pour inciter les gens à s'inscrire, la tenue d'un registre civil (comportant une base de données qui permet de savoir qui peut voter ainsi que la liste de ceux qui n'y ont pas droit).