• Assurer une plus large représentation des travailleurs sans pour autant entrer en confrontation, ou en conflit, avec les autres organisations syndicales Au moment où tous les regards sont rivés sur l'avenue Bourguiba, principale artère de Tunis, où s'est déroulée, hier, la grande manifestation, organisée par la plus ancienne des organisations ouvrières, les deux nouvelles formations syndicales, à savoir l'Union tunisien des travailleurs et la Confédération générale tunisienne du travail (Cgtt), ont sillonné d'autres rues de la capitale pour célébrer leur première fête du Travail. Devant le siège de l'UTT, à la rue d'Athènes, s'est rassemblé, hier matin, une foule de plusieurs centaines de militants actifs, d'adhérents de la jeune organisation, ainsi que des sympathisants de la manifestation annoncée depuis quelques jours. Jeunes et moins jeunes, travailleurs et chômeurs ainsi que des étudiants sont venus de plusieurs régions pour célébrer leur première fête des travailleurs, mais aussi pour faire entendre leur voix et faire connaître leur existence. Pour ce faire, ils ont brandi des banderoles et des pancartes résumant leurs revendications de la dignité, du refus de toute forme d'emploi précaire et de la liberté d'expression. De même, chacune des banderoles indique l'appartenance du groupe qui l'entoure. Les représentants des corps de métiers, de certaines entreprises ainsi que des régions sont facilement repérables, sans compromettre l'unicité de la foule. Les manifestants, bien soudés et bien encadrés, ont su comment faire converger les revendications vers un message principal : la pluralité syndicale est la garante des droits de tous les travailleurs. Le slogan qu'ils ont répété à maintes reprises résume tout : «Gouvernement provisoire... un peu de démocratie». La marche a commencé doucement tout au long des rues de la capitale menant au palais des congrès, aux abords de l'avenue Mohamed-V. Devancés par une patrouille des forces de l'ordre, escortés par les organisateurs, les manifestants ont criés haut et fort leurs slogans. A l'aide d'un haut-parleur, l'une des manifestantes énumérait les droits que la foule qualifie de première importance voire «obligatoire», après chaque revendication. Il s'agit, d'ailleurs, de la liberté d'expression, du pluralisme syndical, de la dignité des travailleurs, des droits des martyrs et des blessés de la révolution, du droit des chômeurs... Et, de temps à autre, quelques participants revendiquent la réintégration de quelques syndicalistes virés de leurs postes et la régularisation de la situation des travailleurs de chantier et du mécanisme numéro 16. A cet effet, quelques travailleurs nous ont approché pour faire connaître leur cause. «Depuis 2008, on a été vendu plusieurs fois», déplore l'un des manifestants. Et d'expliquer: «Après la privatisation atroce de la cimenterie de Jebel El Oust, le nouveau propriétaire a externalisé encore une fois quelques activités. Ainsi on a perdu plusieurs de nos revenus et de nos droits». Peu confiants dans les anciennes structures, ils ont opté pour la nouvelle organisation syndicale pour relancer leur cause. Dans la foule, parmi les manifestants, un jeune de 22 ans, étudiant, nous confie: «Je ne suis pas adhérent, mais une fois diplômé, ce sont ces structures qui me défendront. Donc, je supporte toutes leurs activités». Arrivés au palais des congrès, les organisateurs ont tenté en vain de rassembler les manifestants avant d'entrer dans la salle. La foule fervente a franchi de force les cordons humains déployés à l'entrée. A l'entrée du secrétaire général de l'UTT, M. Ismaïl Sahbani, la foule criait: «UTT ...indépendante». Dans son allocution, il a rendu hommage aux militants syndicalistes dont certains ont péri, à ses côtés, derrière les barreaux, sous la torture. A cet égard, il a commenté: «Quand on parle de compensations pour les militants, il ne faut pas oublier les syndicalistes». A cette occasion, il a salué, également, les efforts consentis par les journalistes et les médias. S'adressant aux adhérents de la jeune organisation, il a avancé un discours didactique dans lequel il a étalé un bref historique des mouvements des travailleurs en Tunisie et ailleurs. S'attardant sur la scène syndicale, il a mis en exergue que la pluralité est un fait enrichissant. Pour ce qui est de l'UTT, il a rappelé qu'il s'agit d'une organisation indépendante, qui a pour objectif d'encadrer les travailleurs marginalisés, sans pour autant entrer en confrontation avec les autres organisations. Plus tard, les manifestants ont eu droit à un spectacle d'un groupe musical engagé de l'artiste Lazhar Edhaoui.