C'est le ciel de tous les possibles qui nous est tombé dessus, mercredi dernier, au Quatrième art, lors du spectacle de danse «Spider Galaxies» du Suisse Gilles Jobin. Convié par le festival Tunis capitale de la danse, le chorégraphe et ses danseurs nous ont dépeint à leur manière l'idée du mouvement. Scène épurée, dénuée de décor qui nous renvoie au titre du spectacle, à ce que cela évoque comme notions d'immensité et d'infini... Seuls les corps des quatre danseurs occupaient l'espace. Uniques décors, la lumière (conception de Daniel Demont) et une musique contemporaine (Carla Scaletti et Cristian Vogel) acidulée, électronique et quasi sinistre, la scène s'offrant ainsi aux spéculations affectives des quatre danseurs qui se déployaient telles des particules, tissant l'espace comme quatre laborieuses araignées, mêlant et entremêlant les cordes cosmiques qui ne se donnent pas à voir et qui font que les corps communiquent... Les mouvements se font lents au début, au ralenti même, portant doucement les marqueurs lumineux au laser rouge qu'une lumière atténuée laisse voir et qui, une fois disparus, libèrent les corps de leurs poids et les sortent de leurs solitudes. Un pas, deux, trois pas, on commence par s'approcher de l'autre, par le tâter, on s'en éloigne, on y revient, on finit par convulser comme foudroyé et on revient à la charge, à la recherche de cette énergie que ce corps-particule nous insuffle. A mesure que les contacts se font plus intenses, les mouvements se font plus précis et avec eux la lumière : les corps, comme innervés, s'agitent, s'activent, se mêlent, se démêlent, s'attroupant, des fois, en constellations dans ce ciel de tous les possibles... Une étoile s'éteint par moments, un danseur quitte la scène pour réapparaître et renaître autrement (changement de costume). Tout au long du spectacle, les mouvements ne cessent de pleuvoir, générant différentes combinaisons. Les corps s'attirent au gré des affinités et les couples se font dans des rencontres sensuelles et érotiques à souhait, suggérés par les mouvements progressivement fluides et subtils de ces gracieux danseurs, pour finir par se défaire et ainsi de suite... La boucle est bouclée et le mouvement est un éternel recommencement dans cette galaxie des sens qui finit par nous submerger, par nous aspirer tel un trou noir, nous guidant à travers ces flux vitaux et sensationnels, ces différentes connexions qui nous renvoient à l'autre. Et c'est difficile de rompre la connexion avec les danseurs de ce système ô combien précis que nous reproduit sur scène Gilles Jobin. En d'autres termes, pas une seule fois nous ne nous sommes ennuyés et la possibilité d'en dire long avec très peu a pris forme, se confirmant de plus en plus. S'éloigner des fioritures encombrantes et étouffantes pour composer avec l'essentiel comme nous l'ont prouvé, ce soir-là, Jobin et ses excellents danseurs qui ont su occuper l'espace, nos esprits et nos cœurs... «Occupy your mind», n'est-ce pas...?