Par Jawhar CHATTY Ce n'est plus un marathon, c'est le tour du monde ! Mais est-ce une raison pour que certains membres de l'Assemblée nationale constituante boudent les débats budgétaires ? Ce lundi et au 10e jour du marathon budgétaire, les travaux de la séance plénière ont démarré en retard étant donné que le quorum n'a pas été une nouvelle fois atteint ! Si c'est de la sorte que certains élus du peuple entendent signifier leur mécontentement, il est bon de leur rappeler que la politique de la chaise vide est avant tout un signe de désengagement. Si c'est par indifférence, et on ne saurait guère le croire venant d'élus responsables avant tout devant le peuple, c'est encore bien plus grave du moment qu'il s'agit de débattre du budget de l'Etat et de la loi de finances. Et au cas où cet «absentéisme» viendrait tout au plus à traduire une certaine lassitude, il serait tout aussi utile de rappeler à ces voix manquantes que l'impatience rend stérile toute opposition et résistance à un projet quelle qu'en soit la nature. Pour une fois qu'il est donné aux élus du peuple de faire réellement opposition aux projets du gouvernement, du moins de pouvoir corriger le tir et d'amender, il est pour le moins étrange et irresponsable que le Palais du Bardo soit pour ainsi dire déserté par une certaine opposition. A moins de vouloir en faire de nouveau une simple chambre d'enregistrement, l'absentéisme en ce haut lieu de la démocratie tunisienne en devenir et à ce moment précis est tout simplement surréaliste et irresponsable. Et ce n'est guère, en l'occurrence, la faute du gouvernement. Bien au contraire. La patience dont il fait montre pour dire sa détermination à défendre son programme, à soutenir le budget et la loi de finances pour l'année 2012, sont tout à son honneur. Une détermination qui n'a cependant rien d'une obstination. En revanche, s'il y a aujourd'hui une certaine «obstination» et des tentatives de blocage, c'est du côté d'une certaine opposition absentéiste qu'il faudrait plutôt regarder. Pourtant, ce ne sont nullement les sujets de la toute première importance qui préoccupent aujourd'hui les Tunisiens. Le pouvoir d'achat, l'inflation et le surenchérissement du coût de la vie restent, à ce titre, le principal souci quotidien des Tunisiens. Deux dinars quatre cents millimes, le prix d'un kilo de tomates aujourd'hui en Tunisie. Personne ne semble s'en émouvoir outre mesure, à l'exception des Tunisiens eux-mêmes. Mais de quels Tunisiens s'agit-il au juste ? Ceux qui sont au pouvoir attendent pour agir l'adoption du projet de la loi de finances. Ceux qui sont en dehors du pouvoir, «l'opposition», offrent, sur fond de polémiques stériles et de déchirements, un spectacle pour le moins désolant, à mille lieux des préoccupations des Tunisiens. Il est à craindre, dans ces conditions, que les tomates que certains laissent délibérément et impunément pourrir dans des entrepôts de fortune, ne finissent par exploser à la figure de notre bien vaillante et bien pensante éalite politique, toutes couleurs politiques confondues. Désespérant a priori d'une opposition et d'une force politique loin du terrain et du quotidien, les Tunisiens se tournent tout naturellement vers l'Etat. L'Etat et son indulgence, son autoritarisme tout autant que sa générosité...pour sauver leur pouvoir d'achat. L'Etat, seule et ultime valeur refuge. Retour aux fondamentaux. Il est tout de même assez désolant que les Tunisiens soient à ce point arrivés à en appeler à «l'Etat providence». Eux qui avaient pourtant si remarquablement porté haut et fort les valeurs de la liberté et de la dignité. De l'indépendance et du compter-sur-soi. A l'épreuve de la dure réalité, ces valeurs ne sont manifestement plus que des slogans.