Par Jawhar CHATTY Budget de l'Etat 2012 : du tâtonnement et beaucoup d'amateurisme, disent certains. Peut-on à ce point être sévère dans ses jugements sans risquer de tomber dans des préjugés et des clichés stériles et irresponsables qui, par réflexe ou par calcul, estiment que du moment que cela émane du gouvernement, cela ne peut être que nul et médiocre ? D'autres, et ils sont tout aussi nombreux, trouvent le même budget «raisonnable » pour, s'empressent-ils de préciser, une année exceptionnelle. Les uns et les autres sont des maîtres de la communication politique et de l'art des subterfuges. Il y a fort à parier que d'aucuns ne se sont sérieusement pas donné le temps de lire ou de décortiquer le projet de budget de l'Etat complémentaire pour l'année 2012. Avant la révolution, seuls quelques curieux initiés, téméraires et butés — et ils sont de toutes les mouvances politiques — continuaient à lire des projets de budget et de loi de finances qui pourtant allaient immanquablement être adoptés à l'unanimité. L'audace de leur lecture et expertise ne dépassait guère le stade de la curiosité « scientifique ». Aujourd'hui, les mêmes experts s'entredéchirent, trouvent à dire et à redire sur des projets de loi rien que — tout porte à le croire — pour satisfaire un ego longtemps brimé, ou pour des raisons moins avouées de servir ... qui, quoi ? On n'en sait rien mais le manque de visibilité n'est guère propice à l'opportunisme ! Pendant ce temps, les petites gens et même la « classe moyenne » continuent à vivre, vaille que vaille, un quotidien pour le moins difficile. Difficile en termes de pouvoir d'achat et de surenchérissement du coût de la vie. Difficile aussi en termes de confiance en l'avenir et de perspectives d'épanouissement pour leur progéniture et pour l'ensemble des générations futures. Aux questions fondamentales de l'éducation, de la santé, du logement, les experts semblent préférer s'attarder sur des questions d'ordre...macroéconomique. «Un déficit budgétaire de 6.6% du PIB, un risque de surchauffe», voilà pour l'essentiel ce qu'ils retiennent du projet de budget de l'Etat pour l'année 2012. Ils ont bien sûr toutes les raisons objectives de le faire et un tel déficit est pour le moins problématique pour l'avenir. Seulement, quand l'expertise et les discours se conjuguent avec l'opportunisme, le Tunisien averti risque de perdre patience. Alors même que ce dont le pays a le plus aujourd'hui besoin, c'est d'une totale sérénité et d'un certain degré de retenue dans la joute que se livrent les experts et les communicants, toutes couleurs politiques confondues. Pour beaucoup de Tunisiens, à l'exception des experts attitrés, un déficit budgétaire de 6.6% ne veut hélas absolument rien dire. Pas plus d'ailleurs qu'un taux d'inflation de 5.4 %. En revanche, le manque de visibilité et un kilo de pommes de terre aujourd'hui à un dinar veulent dire beaucoup et bien plus pour eux.