Par Hédi KONZALI* La Tunisie a célébré, le 1er mai, la deuxième fête du Travail après la Révolution populaire de janvier 2011, portée notamment sur les revendications économiques et sociales, en particulier le développement régional, le droit au travail, la dignité et la liberté d'expression. Néanmoins, et contrairement à ce qui est attendu, le marché du travail a connu, en 2011, une nette détérioration de l'ensemble de ses indicateurs et les pressions sur l'emploi continuent de s'accentuer en 2012, et ce, malgré la volonté du gouvernement de créer davantage de postes, surtout dans les régions où le taux de chômage demeure élevé, notamment chez les diplômés de l'enseignement supérieur. A fin décembre 2011, le nombre des chômeurs a presque doublé en passant à plus de 800 mille personnes, contre 400 mille à la même période de l'an passé, dont environ 72% sont âgés de moins de 29 ans. Pour sa part, le taux de chômage est porté de 13% à environ 19%, d'une fin d'année à une autre, avec 28,2% pour les femmes et 15,4% pour les hommes. En ce qui concerne les diplômés de l'enseignement supérieur, ledit taux est estimé à 34%, touchant beaucoup plus les femmes (44%) que les hommes (24%) ; alors que par régions, la répartition du chômage fait ressortir une grande disparité, en étant de 29% dans le Centre-Ouest et de 12% dans le Centre-Est. Les principales raisons de la détérioration du marché du travail ainsi, d'autre part, que les solutions susceptibles de réduire en partie le niveau du chômage, à travers notamment la reconversion de la prime «Amel» et celle réservée à la recherche active de l'emploi, se présentent ainsi : Principales raisons de la détérioration du marché du travail La dégradation du marché de l'emploi, en 2011, est due à plusieurs facteurs, notamment la perte d'environ 140 mille postes, suite à la fermeture de certaines entreprises et unités hôtelières en raison des revendications salariales et des sit-in des sans-emploi ,surtout ceux des régions démunies et des diplômés de l'enseignement supérieur, le retour massif de près de 60 mille Tunisiens travaillant en Libye, le nombre réduit d'emplois créés, en rapport avec la récession de l'activité économique, essentiellement la régression des investissements, ainsi que le flux des nouveaux diplômés, soit environ 80 mille demandeurs d'emplois supplémentaires. Le problème structurel du chômage a amené le gouvernement de transition, au cours du mois de mars 2011, à établir un plan d'urgence prévoyant notamment un recrutement de 20 mille postes dans l'administration et 15 mille dans les entreprises publiques, ainsi que la mise en application du programme «Amel» réservé aux sans-emploi des diplômés de l'enseignement supérieur, en leur accordant une prime de chômage mensuelle de 200 dinars tunisiens. Néanmoins, ce plan d'urgence n'a pas abouti à des résultats concrets dans la mesure où le nombre d'emplois créés était faible et que la prime «Amel» a été servie à plus de 140 mille personnes, dont seulement 6 mille ont été embauchés par des entreprises. D'ailleurs, ce programme «Amel», d'une enveloppe totale de 200 MDT financés par la Banque mondiale, a entraîné un accroissement de l'endettement de l'Etat et a encouragé et poussé certains diplômés à arrêter la recherche d'un travail. Il s'agit en particulier de jeunes femmes ayant des enfants à charge qui ont préféré rester chez elles en se contentant de cette prime mensuelle. En dépit de cet échec, le gouvernement actuel a suivi presque la même politique en réservant, au titre de l'année 2012, une enveloppe de crédit de 350 MDT pour financer la reforme de la politique active de l'emploi, en particulier la prime mensuelle de 200 dinars des diplômés de l'enseignement supérieur n'ayant pas trouvé d'emploi à leur guise. Certaines solutions susceptibles de réduire le chômage A notre avis, l'enveloppe réservée au programme «Amel» ou à celui de la recherche active de l'emploi devrait être utilisée d'une façon plus bénéfique selon l'un des deux scénarios suivants pour atténuer surtout le nombre des diplômés de l'enseignement supérieur : *Premier scénario : l'enveloppe globale doit être versée dans les comptes des caisses de retraites, dont certaines seraient probablement en difficulté à compter de l'année 2014, pour servir les allocations des retraites anticipées volontaires, celles des personnes âgées entre 55 et 59 ans et qui devraient céder leur place aux jeunes diplômés toujours au chômage. A titre d'exemple, l'enveloppe totale de 550 MDT, pour les deux années 2011 et 2012 permettrait de couvrir l'allocation mensuelle à environ 15 mille retraités à raison de 1.500 dinars par mois, et ce, pour deux ans; *Deuxième scénario : la même enveloppe représente le salaire d'un nombre dépassant 30 mille jeunes diplômés de l'enseignement supérieur à raison d'un salaire mensuel moyen de 750 dinars pour une période de deux années. Cette situation permettrait, d'ailleurs, d'alléger les charges des caisses de retraites ou celles de l'administration et des sociétés publiques, d'encourager le recrutement et de réduire le nombre de chômeurs, surtout dans les régions caractérisées par un niveau de chômage dépassant les 20%. En fait, et face à plusieurs contraintes, principalement l'accroissement continu du nombre des chômeurs pour se situer à un niveau dépassant les 900 mille personnes à la fin du mois de juin prochain, il serait difficile pour le gouvernement d'atteindre son objectif en matière d'emploi, à savoir la création de plus de 100 mille postes au cours de l'année 2012, dont 25 mille dans la Fonction publique, et ce, en raison notamment de la reprise encore timide de l'activité économique, surtout avec la dégradation de certains indicateurs clés, à savoir une nette accélération de l'inflation et une détérioration des paiements extérieurs, outre le nouveau flux des diplômés. D'ailleurs, le taux de croissance économique, au titre de l'année en cours, ne dépasserait pas 2% selon le FMI, contre un objectif de 3,5% prévu par le gouvernement. *(Banque Centrale de Tunisie)