La nouvelle Constitution sera prête au plus tard le 23 octobre : c'est ce qu'a annoncé Mustapha Ben Jaâfar, président de l'ANC, jeudi 9 mai en séance plénière, à l'occasion de l'adoption de la loi de finances complémentaire au titre de l'année 2012. Avant cette annonce de quelques heures, une rumeur circulait sur le Net et sur les ondes selon laquelle le président de la Constituante allait faire une déclaration importante, certains n'hésitant pas à prévoir que la date des élections allait enfin être connue ! M. Ben Jaâfar s'est limité à annoncer un deadline concernant la rédaction de la Constitution, sans que l'on sache si, à cette date, celle-ci sera uniquement rédigée ou bien adoptée. Il a pris soin de préciser, dans la même déclaration, que plusieurs questions ne souffrent aucun retard, comme la création d'une instance provisoire de la magistrature, d'une instance supérieure pour les élections et d'une haute autorité indépendante pour la communication audiovisuelle. Une annonce importante qui pose cependant la question de savoir si elle a été concertée ? On peut supposer que M. Ben Jaâfar a consulté ou au moins avisé les deux autres dirigeants de la Troïka. Par contre, au sein de l'ANC, l'effet de surprise semble total. La constituante Nadia Chaabane nous précise que personne, dans les groupes parlementaires de l'opposition du moins, n'a été consulté et qu'ils étaient un peu pris de court. Le rétroplanning est décisif L'élue de la circonscription de France-Nord, tout en se disant soulagée par l'annonce, se pose des questions, en revanche, quant au fonctionnement de l'ANC et préconise d'établir un rétroplannig qui cadre les travaux de l'assemblée. Cette proposition, soit dit en passant, avait déjà été avancée par la députée et rejetée. L'annonce d'une date-butoir pour la finalisation de la Constitution se positionne comme un rappel à l'ordre du président mais, en même temps, suscite d'autres questions. Et, d'abord, y a-t-il un consensus autour des questions fondamentales ? La réponse est non, selon elle. On aurait pu suivre le modèle de l'Afrique du Sud, dit-elle, où 33 points ont été déjà adoptés en plénière avant le début des travaux en commission. Mais c'est trop tard ! Or, argumente-t-elle, nous avons choisi de partir d'une feuille blanche après avoir pris connaissance des projets présentés par les experts et la société civile. Ce choix permet, juge-t-elle, d'avoir une plage comparative assez large, mais en même temps les fondamentaux comme la garantie des libertés, les modalités de création et de gestion des instances des élections, des médias et de la justice transitionnelle n'ont pas été définies, regrette-t-elle, en ajoutant que, sur le fond, les discussions n'ont pas été épuisées. Utile à savoir : on nous confirme aujourd'hui que les commissions constituantes se sont réunies au total, et depuis le 13 février, 193 fois, à raison de trois fois par semaine, ce qui représente 32 réunions par commission. Il faudra que le rythme s'accélère, notamment pour les commissions en retard, pour être en phase avec l'échéance annoncée par M. Ben Jaâfar. A ce titre, et attirant l'attention de l'Assemblée sur les rendez-vous importants du pays, le président a pris soin de préciser que le Code électoral ne peut être examiné qu'après l'adoption de la nouvelle Constitution. Consensus acquis sur les points fondamentaux Mme Lobna Jeribi, constituante du parti Ettakatol, nous précise que tout doit être fait pour que les délais soient respectés, et ajoute qu'au sein de la commission du préambule et des principes fondamentaux où elle siège, la version définitive du préambule est prête, et que des consensus ont été effectivement trouvés, stipulant un Etat civil en opposition avec un Etat théocratique ou un Etat militaire, c'est-à-dire un Etat où le peuple est souverain, régi par une démocratie participative. La députée de Tunis 2 précise qu'il faudra faire attention au niveau de la traduction des termes, citant l'exemple d'un Etat fondé sur les valeurs islamiques, différent selon elle d'un Etat islamique. Elle insiste sur le fait que le système des valeurs établi au sein de cette commission se base sur trois piliers : un Islam modéré et ouvert, des valeurs universelles et la reprise de la pensée réformiste. Autres consensus, dit-elle : un Etat décentralisé, l'égalité entre les individus, entre les régions et la neutralité de l'administration. Comme Nadia Chaabane, Lobna Jeribi n'était pas au courant des intentions de M. Ben Jaâfar. Ce dernier, qui gère les micros d'une main de fer, va devoir maintenant imposer un planning serré aux commissions pour rendre leur copie !