Les résultats affichés sur le site web du Cres avant la fin mai 2012 C'est la première enquête du genre qui vient lever le voile sur un dossier traditionnellement tenu au secret : l'état des salaires dans le secteur privé. Quatre cents entreprises sondées. Au moment où les syndicats des travailleurs appellent à un nouveau round des négociations sociales pour l'exercice 2012, le Cres offre aux partenaires sociaux un outil garantissant une meilleure visibilité de l'état des salaires dans le secteur privé et, partant, davantage d'objectivité aux négociations, si elles auront lieu. Le maître d'œuvre de l'enquête, le Centre de recherche et d'étude sociale, structure sous tutelle du ministère des Affaires sociales, a fait appel au Bureau international du travail et à son expertise pour garantir à ce travail technique l'efficacité, l'objectivité et la rigueur nécessaires. Réalisée au cours du printemps 2011, l'enquête est aujourd'hui bouclée et les données chiffrées stockées. Ces dernières seront divulguées au grand public dans quelques jours, avant la fin du mois courant, sur le site web du Cres en cours d'installation. Le directeur général du Cres, M. Rchid Barouni, entend faire durer le suspense jusqu'à la finalisation du site web et son inauguration avec, à juste titre, l'affichage des résultats de ladite enquête. On saura tout de même que, le point de départ de l'enquête ayant été le fichier de la Cnss, l'échantillon initial de l'enquête a tablé sur 600 entreprises privées (sur un total de 47.000) petites, moyennes et grandes, couvrant tous les secteurs économiques, et que 400 d'entre elles ont répondu aux questionnaires. C'est, selon M. Barouni, une performance considérant la discrétion qui plane sur ce sujet ; les patrons et les employés du privé ne parlant pas facilement de leurs salaires. «C'est son statut de centre de recherche qui a permis au Cres de questionner ces patrons et ces salariés, l'anonymat des questionnaires ayant été bien sûr assuré», précise le directeur général du centre. Deux types de questionnaires ont été proposés, l'un pour les patrons, l'autre pour les salariés. Les questions tournent notamment autour des composantes du salaire, des primes, des rapports entre les catégories et entre les secteurs, le coût du travail pour toutes les catégories professionnelles, sur les salaires en fonction du genre, etc. Disparités vérifiées A vrai dire, les lendemains de la révolution se sont distingués par des séries interminables de sit-in et de revendications sociales qui n'ont épargné aucun secteur et aucune entreprise ou administration. Un seul mot d'ordre: dénoncer les abus, rétablir la justice sociale et améliorer les conditions de vie de tous les Tunisiens, surtout les plus défavorisés. «L'intérêt de cette enquête est qu'avant on ne savait rien sur les stratégies appliquées au niveau des salaires dans le secteur privé (salaires de base, salaires en fonction des secteurs, disparité homme/femme...); bien sûr, les lois existent et théoriquement, elles sont appliquées mais la réalité personne ne la connaissait», explique M. Barouni. S'agissant des entreprises publiques, toutes les données figurent sur un fichier national. Une sorte de black-out a toujours pesé, en effet, dans le secteur privé, surtout à propos des salaires des patrons qu'on estimait à quatre chiffres. Ce qui avait donné libre cours aux rumeurs, commentaires et autres critiques dénonçant des abus, notamment au niveau des écarts considérables entre les émoluments des patrons et des employés, et des injustices, ou discriminations, entre les hommes et les femmes qui ne perçoivent pas le même salaire pour le même travail accompli et les mêmes qualifications professionnelles. L'enquête du Cres semble confirmer ces « accusations ». M. Barouni qui connaît déjà les résultats de l'enquête ne les réfute pas en tout cas. «L'enquête est une base de données scientifique, une plateforme qui va permettre aux partenaires sociaux de discuter et de négocier de manière concrète et rationnelle les futures augmentations salariales», assure-t-il, ajoutant qu'elle servira également à rectifier les erreurs et à réparer les abus. Et il y en a, semble-t-il. L'enquête a, du moins, vérifié les disparités entre hommes et femmes. L'enquête vient ainsi à point nommé au moment où les syndicats des travailleurs revendiquent de nouvelles augmentations salariales au titre de 2012, tandis que le gouvernement propose, de son côté, une trêve de deux années au moins. L'intérêt d'une telle enquête réside dans l'instauration de la transparence et donc de la confiance entre l'entreprise, l'administration et l'employé. Selon le directeur général du Cres, il est utile de réaliser une enquête similaire chaque année ou au plus, tous les deux ans. L'ex-Centre de recherche et d'étude de sécurité sociale (Cress), devenu Cres en 2011— la publication du décret est imminente — a vu ses attributions élargies. Même si son thème principal demeurera la sécurité sociale, le Centre s'apprête à servir de base de données sur les divers services sociaux. Au programme, outre la création du site web, la publication de lettres mensuelles informatives sur divers thèmes sociaux, comme la pauvreté et la précarité, les salaires et les caisses de sécurité sociale, ainsi que celle des «Cahiers du Cres» qui sont des rapports plus élaborés avec un contenu scientifique et chiffré.