Cela aurait pu être le livre de la maturité s'il n'avait été aussi ludique, aussi subtilement féminin, aussi gracieusement léger. Disons, alors, que c'est le livre d'un parcours. Celui d'une Feryel toujours aussi insolemment juvénile, qui prend aujourd'hui le temps de se retourner sur elle-même. Ou du moins sur une partie d'elle-même qu'elle réorganise à son gré. Pas de rythme chronologique pour ce livre qui est aussi un très bel objet, pas de périodes, d'époques, d'évolutions, de progression. C'est une structure atemporelle qu'elle a choisie, et qu'elle orchestre en fonction d'harmonies personnelles : harmonies de couleurs, cohérence de sujets, assemblages de thèmes, concordances et correspondances par-delà les années, et, bien sûr, lumineuse évidence : les femmes de Feryel sont bien les mêmes au fil des ans, inaltérées et inaltérables, déesses callipyges, géantes sereines, beautés plantureuses, mères nourricières, somptueuses coquettes, joyeuses coquines à l'œil qui frise, et l'accroche-cœur provocant sous une apparence de respectabilité. Elles émaillent le livre, dans une débauche de turquoises et de fuchsias sucrés, bayadères et camaïeux acides, sur fonds d'or et d'orangés solaires. Le livre est construit selon une série de chapitres pour lesquels Feryel donne le ton, avant de donner la parole à un critique. «L'artiste doit faire du sens avec des impressions, et non des impressions avec du sens », annonce-t-elle, avant de céder la place à Ali Louati qui évoquera «Un lieu rêvé pour l'éternel féminin». Elle poursuit en donnant la parole à Christine Bruckbauer, qui parlera du «Fabuleux pouvoir de la féminité». Et qui sera suivie de Fathi Ben Haj Yahia qui parlera d'une peinture «de soi, une peinture hors de soi». Au fil de ces chapitres, on les voit caracoler, ces amazones, en bicyclettes, ces Pénélopes, à leur rouet attachées, ces Madame Bovary, dans leurs rêves engoncées, ces lionnes de boulevards, aux escarpins de rouge satin, ces languides odalisques sur les sofas allongées. Et puis d'autres, qu'on ne connaît pas encore, ces passionarias d'une révolution qui ne pouvait ne pas les concerner, ces vierges folles, ayant humé l'air de la liberté, ces combattantes qui feront tout pour la conserver, ces mères courage qui ne sont plus prêtes à négocier. «Couleur Femme», le livre consacré à l'œuvre de Feryel Lakhdar, peut se lire dans tous les sens, être commencé par la fin, tout se tient. Et c'est probablement là le plus beau gage de sa réussite. Le livre était présenté par l'éditeur Mim, en présence de l'auteur, au cours d'un brillant vernissage des dernières œuvres de Feryel, à la galerie El Marsa.