Elles appartiennent à la même génération, travaillent sur une vision qui leur est propre du corps de la femme, et exposent ensemble, à l'invitation de Khédija Hamdi, à la galerie «le Violon bleu». Elles, ce sont Meryem Bouderbala et Raja Aïssa qui partagent les cimaises en un «Amalgam» de bon aloi. Meryem Bouderbala retrouve ses ombres de femmes, cette «peau» sur laquelle elle travaille depuis longtemps, formes creuses, évidées de leur substance, apparences fugitives sans chair ni matière, qu'elle dilue dans une transparence aérienne. La seule consistance qu'elle leur donne est celle des mots, les vers de Mahmoud Darwich calligraphiés sur des voiles translucides, qu'elle enserre dans des caissons immaculés qui contribuent à cette impression d'immatérialité. A côté de ces sculptures-peintures, Meryem Bouderbala expose des photos peu connues à Tunis, et jusque-là plus souvent exposées en France ou au Maroc. Il s'agit d'une série de clichés interrogeant et s'interrogeant sur le regard porté sur l'orientalisme et sur l'image de la femme, entre fantasmes et revendications de liberté. «Mon parcours est une tentative d'échapper à une alternative que je refuse. Je veux retrouver ce point où la figure humaine est à la fois de chair et de signes», dit-elle. Raja Aïssa est moins présente sur la scène artistique tunisienne. Elle a étudié et exercé aux USA, en Angleterre et en France. Son travail, elle aussi, est nourri du legs et du symbolisme de la tradition arabo-musulmane. Elle dévoile le corps et le voile à la fois. Elle décline ses odalisques et les occulte par un écran, dont la transparence s'ornemente des signes et symboles des fresques abassides et fatimides. Dans cette étonnante association, Raja Aïssa trouve un révélateur troublant qui dresse le rapport entre l'intérieur ou le caché et l'extérieur ou le visible, démarche influencée par la philosophie soufie. «J'établis des correspondances qui explorent les tensions de notre société dont les contradictions labyrinthiques pourraient se résoudre non pas par une codification figée, ni par une logique rationnelle, mais plutôt par le pouvoir unificateur du Sublime».