Autour du journaliste britannique Tim Sebastian, un plateau a réuni avant-hier soir deux activistes politiques, Houda Cherif du Parti Républicain et Ahmed Gaâloul, du mouvement Ennahdha. Avec le public présent dans la salle, ils ont débattu d'un thème d'actualité : «La violence politique en Tunisie est-elle hors du contrôle du gouvernement ?» Notre reportage. « Si demain les autorités décidaient de recourir aux mêmes moyens que par le passé pour réprimer les salafistes et les autres, je pense bien que mes frères jihadistes ne seraient pas contents et répliqueraient de suite !». Le jeune homme qui s'adresse ainsi, dans un bon anglais, mais le ton menaçant, à Houda Cherif, membre du bureau politique du Parti Al Joumhouri, ne porte pas de barbe : il se présente pourtant comme un salafiste convaincu. Imperturbable, Houda Chérif répond dans la même langue de Shakespeare: «Et s'ils transgressaient la loi, accepteriez-vous qu'ils soient jugés ?». Le garçon brun, vingt ans et quelques poussières, acquiesce. Cet échange entre la militante de gauche, qui fait également partie du comité de soutien au groupe parlementaire démocrate, et le jeune homme en colère, s'est déroulé avant-hier soir dans le patio du Palais Dar Hassine, siège de l'Institut national du patrimoine, dans la médina de Tunis, qui s'est paré pour l'occasion de mille et une bougies. Devant un parterre essentiellement formé d'étudiants et de jeunes professionnels, le journaliste britannique Tim Sebastian, fameux pour ses grandes interviews sur la BBC aux puissants de ce monde (Hard Talk) et fondateur des «Débats de Doha», animait une quatrième émission consacrée à la Tunisie post-révolutionnaire. Entraîner les jeunes à la prise de parole Le concept de «Nouveaux débats arabes», organisés autour du rôle depuis une année, une fois à Tunis et une fois au Caire, est simple : une thèse autour d'une question d'actualité est avancée. Deux candidats se chargeront, une heure de temps durant, chacun selon ses arguments, ses références propres et sa sensibilité politique, de la défendre ou de la pourfendre. Un vote du public sanctionnera celui qui aura le moins convaincu. L'objectif final étant d'entraîner les jeunes à la prise de parole, à l'importance du compromis, de l'écoute et du respect de la différence dans une société passant par une phase de transition démocratique. «La violence politique en Tunisie est aujourd'hui hors de contrôle de l'Etat», tel est le postulat présenté par l'émission d'avant-hier. Face à Houda Chérif, qui a montré, faits et évènements à l'appui, que le gouvernement semblait incapable d'exercer ses prérogatives pour mettre fin aux saccages d'hôtels, de postes de police et de locaux de chaînes de télévision, Ahmed Gaaloul, conseiller politique au sein du parti Ennahdha et membre du comité d'organisation du prochain congrès du mouvement islamiste au pouvoir, a insisté : «La violence de l'Etat est pire que celle venant de la société. Nous devons nous armer de patience avec les salafistes, donner auparavant la chance au dialogue et au consensus». Plus loin, il ajoutera : «A 90%, le système de Ben Ali est resté tel quel. La police n'est pas en mesure de gérer la violence». Et encore : «Ce sont les médias qui exagèrent et exacerbent le phénomène salafiste, occultant par la même occasion les actions du gouvernement pour maintenir l'ordre». A la fin de l'émission, le public présent dans la salle et ayant pris part à un débat plutôt houleux, a voté massivement en faveur de Houda Chérif (83%). Mais la militante du parti Al-Joumhouri semblait frustrée que la soirée ait été dominée par la question salafiste. Pour elle, la violence politique pourrait provenir d'autres populations marginalisées par la pauvreté et le chômage, le gouvernement actuel ne répondant pas à des aspirations formulées après la révolution du 17 Décembre-14 Janvier. Elle considère, d'un autre côté, qu'une sourde violence politique se mêle au mépris lorsque, sans consulter qui que ce soit, on nomme les hauts fonctionnaires de l'Etat non pas par rapport aux compétences des uns et des autres mais plutôt en fonction de leur allégeance partisane. La dernière émission «Nouveaux débats arabes» sera retransmise par la chaîne allemande DW et la télé égyptienne Al Hayat ainsi que d'autres chaînes associées au projet. Le programme est financé par le ministère des Affaires étrangères britannique et l'Agence suédoise de développement extérieur.