TUNIS, 23 fév 2011 (TAP)- Lors d'un premier débat politique libre, depuis trois décennies, les Tunisiens ont rejeté l'idée de l'émergence d'hommes forts despotes des révolutions populaires qui secouent actuellement le monde arabe, depuis la Tunisie et jusqu'au Yémen. Au cours d'une émission-débat spéciale, organisée par la fondation "Débats de Doha", mardi, après-midi, dans la Tunisie post-révolutionnaire, 64% des participants, en majorité des étudiants et des jeunes, ont voté contre le thème choisi pour cette émission, placée sous le signe "les jeunes sont persuadés que les révolutions arabes donneront naissance à des dictateurs", contre 26% qui ont voté pour. Cette émission a été tournée au coeur de la Médina, à proximité de l'artère qui a abrité, le 14 janvier, des milliers de manifestants qui ont renversé, en cette journée glorieuse, le régime de Ben Ali. Onze jours après, a-t-il ajouté, la révolution égyptienne s'est déclenchée, dans la Place" Ettahrir" au centre du Caire, une révolution qui a mis fin au régime de Moubarak, le 11 février courant. L'émission, qui a été animée par le journaliste britannique "Tim Sebastian", président du conseil d'administration "Doha Rounds", est la première dans un pays africain et en dehors de la capitale qatarie. Elle a réuni deux groupes d'intervenants, entre partisans et opposants. Lors de cette émission-débat, marquée par une série de contributions éminentes, un étudiant a fait remarquer que le legs laissé par l'ancien régime est un legs assimilable à une cancer qui nécessite une intervention chirurgicale". Un autre intervenant a affirmé que "les Tunisiens sont parvenus à mener la révolution la plus rapide dans l'histoire et qu'ils seront les premiers à instaurer une véritable démocratie dans un temps record." L'universitaire tunisienne "Raoudha Ben Othman" ainsi que M. Kamel Ben Younes, directeur exécutif de l'association des études internationales et de l'institut de Tunis communication ont opté pour le thème de cette conférence. S'agissant de Mme Ben Othman, la conférencière a mis en garde contre les risques de l'ascension d'un nouveau dictateur même après l'organisation d'une première élection transparente dans le pays, relevant que ces risques émanent essentiellement de l'absence du principe de responsabilité, de la transparence et du manque de la culture d'allégeance à la patrie et à elle seule, abstraction faite de leurs appartenances et de leurs catégories. Le journaliste "Ben Younes" s'est montré pessimiste quant à l'avenir politique de la Tunisie et de l'Egypte, relevant que dans le cas égyptien le conseil militaire supérieur a promis d'organiser des élections durant les prochains six mois, suite à la chute du régime de Moubarak. Le même journaliste a défendu sa position par le fait que des milliers de dictateurs ont persisté dans les structures et les rouages du système sécuritaire et de la structure politique, que se soit en Tunisie ou en Egypte, mettant en garde contre les islamistes qui ont été interdits d'exercer l'activité politique depuis des années et qui peuvent trouver leur base populaire au sein des catégories vulnérables et délaissées par l'ancien régime afin de tirer le meilleur profit du jeu démocratique et du recours aux urnes. Pour les hostiles à l'idée de l'ascension de nouveaux dictateurs suite aux révolutions populaires dans le monde arabe, force est de citer le professeur "Chelbi Talhami", professeur spécialisé dans les questions de la Paix et du développement à l'université américaine de Maryland et M. Fares Mabrouk, fondateur de l'institut arabe pour la Politique, centre de recherche et de réflexion, qui appuie le changement démocratique au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Le professeur Talhami a relevé que des dangers persistent dans chaque opération de changement qui vise à consacrer la démocratie, affirmant que la seule garantie pour éviter des régressions est l'émergence d'une prise de conscience insolite des capacités des peuples, capacités confortées par le réseau Internet, ce qui laisse entrevoir que les gouvernements ne peuvent plus nier le rôle grandissant de l'opinion publique. L'orateur a souligné que "l'âge des dictatures remonte à un âge révolu, indiquant que la scène politique arabe connaît la naissance d'un raz-de marée authentique et irréversible". Pour sa part, M. Fares Mabrouk a relevé que les Tunisiens ont inventé un nouveau modèle politique qui combine intimement les droits de l'homme et la dignité avec la suprématie de la Loi, ajoutant que personne ne veut de la propagation du désordre dans les sociétés arabes. Il a souligné que ce nouveau "modèle" n'est ni celui de l'Iran ni celui de l'Arabie Saoudite, ajoutant que même les conservateurs parmi nous, aspirent à la Turquie en tant que modèle susceptible d'être appliqué". Il est à signaler que Tim Sebastian, président du conseil d'administration "des conférences de Doha" était un correspondant du BBC à Varsovie, à Moscou et à Washington. Il a également assuré la couverture de nombreux événements d'envergure pour la chaîne de télévision BBC dans 25 pays durant plus de 30 ans. L'animateur de cette conférence a été également le premier animateur du programme "Hard Talk", qui a reçu le prix du meilleur animateur de la société de la télévision royale qui lui a également décerné le prix du meilleur journaliste de la télévision. Il est également récipiendaire du prix de l'académie britannique pour ses contributions éminentes dans le domaine de la Téléréalité.