Les flemmards n'ont plus d'excuse. Ils ne diront plus : «On n'est jamais au courant de ce qui se passe dans le domaine culturel». Depuis avril dernier, un agenda mensuel est distribué gratuitement et mis à la disposition de tout le monde dans les espaces culturels de toute la République. Cela fait plaisir de savoir que dans ce monde matériel et matérialisé, il existe encore des gens qui osent entreprendre de pareils projets, courir le risque de tout perdre à la fois, uniquement pour «la cause»... Car, pour concevoir, recueillir de la matière, mettre en page, imprimer et distribuer, il faut un minimum de logistique, d'effectif humain et matériel, et il faut surtout y croire. L'initiateur de l'Agenda culturel n'est autre que Chokri El Bahri, ce jeune homme discret qui ne rate aucun évènement culturel, et surtout aucune première théâtrale, puisque qu'il est ressortissant de l'Isad (Institut supérieur d'art dramatique), et qu'il demeure curieux. Après avoir créé, en 2006, une société de production appelée «Show Prod», mis en scène et joué dans des pièces pour enfants et adultes, Chokri a commencé à réfléchir le théâtre autrement. Il était soucieux de la proximité et voulait trouver le moyen d'intégrer le théâtre dans le quotidien des gens. C'est ainsi qu'il a fait une première tentative, invitant les employés d'une banque à déjeuner, en regardant un spectacle de trois quarts d'heure, le temps de la pause. Cela n'a pas duré, mais l'expérience en valait la peine. Son passage en tant qu'animateur de théâtre dans l'association «Yesrine» pour enfants abandonnés a encore fait évoluer sa façon de voir son métier. Pour Chokri, le théâtre doit servir à «dédramatiser la vie». D'une tournée à l'autre, l'artiste a encore appris à se poser les bonnes questions. Comment faire pour vendre son spectacle quand on n'est pas connu ? Ce n'est jamais évident de remplir une salle surtout quand on n'a pas les moyens de sa promotion. Dans le circuit culturel, il y a donc un manque à définir et un vide à remplir. C'est ainsi qu'il a pensé à créer Radio Théâtre sur internet. Et c'est ainsi que nous l'avons connu. Toujours aussi curieux, à l'affût de tout ce qui se fait de nouveau et d'original dans le domaine du 4e art. Aidé par son frère jumeau, informaticien, il a lancé sa radio en l'an 2010, n'imaginant pas qu'elle aurait autant de public : 5.000 internautes, 105.000 fans sur facebook, et les chiffres augmentent de jour en jour. Mais Chokri sentait qu'il manquait l'écrit. Il fallait trouver une solution pour garder les traces de toutes ces pièces et de tous ces portraits d'artistes qui passent à la radio. Il eut encore l'idée de créer une revue intitulée Radio Théâtre Magazine. Le premier numéro a été édité au mois de décembre 2011. Le deuxième n'a pas vu le jour. Encore un blocage d'ordre matériel. L'artiste reconnaît qu'il n'a pas l'expérience des médias, mais cela ne le décourage pas pour autant. Le flayer intégré dans le magazine en tant que supplément était très sollicité par les lecteurs. Il s'agissait déjà de l'Agenda culturel, mais sous forme de dépliant. Le magazine avorté a finalement donné naissance à ce petit livret que l'on trouve partout et qui informe sur tout ce qui se passe dans le pays en matière culturelle. L' «Agenda» en est à son deuxième numéro. Il est autofinancé, édité à 20.000 exemplaires et contient 2.700 évènements. Le mois prochain, il deviendra bilingue (en arabe et en français). Chokri El Bahri sait pertinemment que son Agenda gagnerait à être plus lisible et moins touffu. Le moment est venu d'améliorer le look, la couverture et le contenu de ce «livre de poche», on ne peut plus utile, pour les spectateurs et les acteurs culturels.