La polémique suscitée par l'intrusion de deux hommes en civil sur les lieux du tournage de l'émission «Nouveaux débats arabes», retransmise par plusieurs télévisions du monde, continue. La Presse a suivi l'affaire depuis la première soirée d'enregistrement de ce programme animé par le journaliste britannique, Tim Sebastian. La quatrième édition des «Nouveaux débats arabes» organisés à Tunis depuis la Révolution, d'après une idée du journaliste britannique Tim Sebastian, élu meilleur intervieweur de l'année en 1989 et 2001 (voir notre reportage publié dans l'édition d'avant-hier), ne s'est pas déroulée sans incidents cette fois-ci. Quinze minutes après le début du face à face, qui réunissait mardi soir dernier au palais Dar Hassine, dans la médina, devant un parterre de jeunes étudiants, Houda Cherif du Parti républicain et Ahmed Gaaloul du mouvement Ennahdha autour du thème «La violence politique en Tunisie est-elle hors du contrôle de l'Etat ?», deux policiers en civil se sont présentés aux réceptionnistes du palais. Les deux hommes ont réclamé, «sur ordre de leurs chefs hiérarchiques», ont affirmé les organisateurs des débats, la liste des noms et adresses des personnes présentes à la soirée, 120 en tout . Schoking ! Pour le journaliste de la BBC et son équipe: «Les lignes rouges sont dépassées dès lors que l'Etat intervient dans le processus de la liberté d'expression, dès lors que nous sentons une menace peser sur notre audience», a protesté avant-hier Tim Sebastian dans la rencontre que nous avons eue avec lui. Rencontre qui a suivi sa conférence de presse tenue le jeudi matin dans l'urgence pour dénoncer des pratiques qui lui rappellent, dit-il, la police politique du monde communiste où il a travaillé en tant que reporter dans les années 70. «Nous avons alerté le ministère de l'Intérieur, qui nous a promis de mener une enquête à ce sujet. Entre-temps, nous avons décidé de suspendre nos débats en Tunisie et d'annuler la table ronde que nous devions organier samedi ici sur la Lybie», a ajouté le journaliste. Khaled Tarrouche : «Des intrus ou des agents de sécurité ?» Interrogé à propos de cette affaire, qui a pris de l'ampleur depuis deux jours, Khaled Tarrouche, porte-parole du ministère de l'Intérieur, répond : «Les premières données de l'enquête nous laissent perplexes. Nous n'avons pas encore les preuves tangibles attestant que deux hommes étrangers à l'équipe sont vraiment venus ce soir-là sur les lieux du tournage des «Nouveaux débats arabes». Mais toutes les hypothèses restent possibles. Et les interrogations également: est-ce des intrus ou des agents de sécurité ? Nous aurons la réponse très bientôt. La police politique, ce sinistre corps du bunker de l'avenue Bourguiba, la main armée des deux régimes autoritaires de ces 55 ans de dictature, serait-elle de retour ? Khaled Tarrouche est catégorique : «Non la DST a été dissoute par Farhat Rajhi, l'ex-ministre de l'Intérieur en mars 2011. Personne ne pourra plus la ressusciter ! ». Tim Sebastian regrette la tournure prise en Tunisie par ce projet, qui veut appuyer les transitions démocratiques grâce à l'entretien de la tradition de l'échange, du compromis et de la discussion libre. «J'ai trouvé le débat du mardi soir avec le jeune public vif, intéressant et passionné. Certes des différences s'y sont exprimées. Ce qui me semble normal dans un pays, qui a traversé plusieurs décennies de silence», a fait remarquer celui qui a interviewé tous les grands de ce monde.