Le prix Goncourt du premier roman 2012, François Garde, a été récemment parmi nous, invité par la librairie Art-Libris, pour présenter son livre Ce qu'il advint du sauvage blanc. «C'est ma première visite en Tunisie et je ne commenterai pas les événements qui s'y produisent», a-t-il commencé par déclarer. C'est vrai que les quelques présents, vu les circonstances, n'étaient pas là pour parler de la «marche» salafiste nocturne qui s'est passée, deux jours plus tôt, à 100 mètres de la librairie, ni du couvre-feu improvisé, annoncé au beau milieu de la rencontre, mais pour en savoir plus de Ce qu'il advint du sauvage blanc. Mais qui est, en fait, ce fameux personnage? Il s'agit de Narcisse Pelletier, un jeune matelot français, abandonné au milieu du XIXe siècle sur une plage d'Australie. Dix-sept ans plus tard, un navire anglais le retrouve par hasard : il vit nu, tatoué, sait chasser et pêcher à la manière de la tribu qui l'a recueilli. Il a perdu l'usage de la langue française et oublié son nom. Que s'est-il passé pendant ces dix-sept années? C'est l'énigme à laquelle se heurte Octave de Vallombrun, l'homme providentiel qui recueille à Sydney celui qu'on surnomme, désormais, le sauvage blanc. «Dès les premières lignes, le lecteur en sait autant que moi», affirme François Garde. Son but n'est pas de raconter, dans son œuvre, les péripéties de Narcisse chez les aborigènes ou comment s'est passé son retour parmi «les siens», mais de percer le processus «violent» par lequel un homme en arrive à oublier son nom et à perdre sa langue. Chose qui se produit à deux reprises : une première fois quand il est abandonné en Australie et une seconde fois, après son retour dans le monde occidental. «Pour survivre, il faut parfois oublier qui on est», résume l'écrivain. François Garde est bien clair sur une chose : même s'il s'agit d'une histoire vraie, dont il a entendu parler au hasard, l'expérience de Narcisse Pelletier n'est qu'un élément de départ. Tout le reste est le fruit de son imagination. D'ailleurs, le livre ne dit pas ce qui s'est passé entre le sauvage blanc et ses hôtes. «Le romancier est plus fort que l'historien», note Garde. C'est l'un des éléments qui font l'originalité de l'approche de l'auteur. Il a, de surcroît, choisi d'écrire en chapitres alternés, faisant à chaque fois, pour ces dix-sept ans, un saut en avant ou en arrière dans le temps. L'alternance est aussi celle de la parole, qui varie d'importance entre la culture aborigène, où l'on ne parle que si l'on a quelque chose d'important à dire, et celle occidentale où la parole est souvent généreuse. Cet exercice d'écriture qui peut sembler périlleux a pris 18 mois à François Garde, dont une partie en hiver, dans les Alpes. Ce fonctionnaire public offre ainsi au monde littéraire, après 25 ans d'activité professionnelle, un premier roman qui a tout l'air d'être, en même temps, le roman de la maturité.