PARIS (Reuters) — La carte et le territoire, roman de Michel Houellebecq, a reçu hier le prix Goncourt, la récompense littéraire la plus convoitée de la place de Paris. Le dernier livre de l'enfant terrible des lettres françaises, publié chez Flammarion, a été préféré à trois autres : Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants de Matthias Enard, publié chez Actes Sud, Naissance d'un pont de Maylis de Kerangal (Verticales), lauréate du prix Médicis 2010, et Apocalypse bébé de Virginie Despentes (Grasset). Ce dernier roman a reçu le prix Renaudot, également décerné hier. Comme le veut la tradition, le nom du lauréat du prix Goncourt a été proclamé au restaurant parisien Chez Drouant, où Michel Houellebecq s'est présenté peu après. "Je suis très content, finalement c'est peut-être nécessaire dans ma vie, en tout cas c'est une très bonne chose", a-t-il dit à iTélé à son arrivée. "Tous les gens qui vont découvrir mes livres grâce à ce prix, j'espère que je ne les décevrai pas, qu'ils seront contents, que ça les incitera à lire", a-t-il ajouté. "C'est souvent des gens qui lisent au départ peu qui achètent le Goncourt. Je pense que je n'ai pas passé une seule journée sans lire depuis l'âge de six ans", a-t-il poursuivi, avant d'être happé par une nuée de journalistes. Considéré par nombre de critiques comme le meilleur livre de Michel Houellebecq, La Carte et le territoire est une réflexion sur l'époque à l'heure d'internet, du tourisme de masse et de la téléréalité à travers le parcours d'un artiste contemporain, Jed Martin. L'auteur s'y met lui-même en scène. "Il décrit la société avec ses angoisses, ses rêves, ses dérives, son côté trash. La description de sa propre mort, moi je n'aurais jamais osé le faire", a commenté le romancier Didier Decoin, membre de l'académie Goncourt. "Je connais beaucoup de gens, d'amis qui disent “j'ai pas répondu au téléphone parce que je lisais Houellebecq”. Si c'est ça la littérature, c'est bien", a-t-il ajouté face à la presse. Pour le romancier Frédéric Beigbeder, ce livre "déplore la mort de l'art, et il n'y a rien de moins consensuel". La saison des prix littéraires avait été lancée fin octobre avec le prix de l'Académie française, décerné à Nagasaki d'Eric Faye (Stock). Journaliste à l'agence Reuters à Paris, l'auteur s'est inspiré d'un fait divers relaté dans une dépêche pour conter l'histoire d'un météorologue japonais qui soupçonne une instruse d'habiter chez lui. Plébiscité par le public, Naissance d'un pont de Maylis de Kerangal (Verticales) a reçu le prix Médicis. L'ancienne éditrice y conte la construction d'un immense pont suspendu censé désenclaver une ville imaginaire, Coca. Le prix Médicis étranger a récompensé l'Américain David Vann, enseignant à l'université de San Francisco, pour son premier roman, Sukkwan Island. "La vie est brève et le désir sans fin", roman sur les affres de l'amour signé Patrick Lapeyre (POL), a remporté le prix Femina. Le prix de Flore 2010 a été décerné à Abdellah Taïa pour Le Jour du roi (Seuil), un roman sur le Maroc. Phénomène très français, les prix littéraires décernés chaque automne donnent un coup de projecteur sur des auteurs parfois méconnus et font s'envoler les ventes. "On a en France quelque chose qui n'existe nulle part ailleurs: des grands prix et notamment le Goncourt, qui est capable de faire émerger un livre de façon inouïe", déclarait ce week-end à la foire du livre de Brive l'écrivain Jean-Christophe Rufin. "C'est une extraordinaire machine à amener les gens vers la lecture", a ajouté le diplomate, lui-même lauréat du prix Goncourt en 2001 pour Rouge Brésil.