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La justice transitionnelle est l'affaire de la société civile et non du gouvernement Ahmed Rahmouni, président de l'Observatoire tunisien de l'indépendance de la magistrature
Créé le 7 mars 2012, l'Observatoire tunisien de l'indépendance de la magistrature (Otim) ne cesse d'organiser séminaires et forums et de produire des documents qui font l'état des lieux de la justice en Tunisie et qui commentent les décisions prises par la tutelle toute en rappelant, à chaque fois, les priorités du secteur dont la réforme se fait attendre. «La justice transitionnelle ne peut réussir en Tunisie qu'en se référant à la justice traditionnelle, c'est que la première est un mécanisme complémentaire et ne peut en aucun cas, se substituer aux mécanismes de la justice traditionnelle», affirme Ahmed Rahmouni, président de l'Otim et ancien président de l'Association des magistrats tunisiens. «Il y a une certaine marginalisation de la justice dans la stratégie de l'Etat puisqu'on a instauré des mécanismes parallèles à la justice transitionnelle pour faire ce que la justice traditionnelle faisait initialement. Nos efforts tendent à expliquer et à sensibiliser l'opinion publique, quant à l'importance de la justice traditionnelle et son rôle pour avoir une justice transitionnelle fiable selon les normes internationales. C'est un danger de s'appuyer sur des mécanismes parallèles à la justice traditionnelle, entre autres, pour délimiter les responsabilités et les dédommagements», enchaîne-t-il. Dans ce même sens, l'observatoire a élaboré une déclaration suite à son séminaire scientifique tenu à Bizerte les 9 et 10 juin, et ce, avec le concours d'une pléiade de juristes et de magistrats dont les membres de l'Otim. Dans une forme plus étoffée de cette déclaration, publiée avant-hier, l'observatoire appelle le pouvoir politique en place à «fournir les prérogatives nécessaires au pouvoir judiciaire afin qu'il intervienne dans le processus transitionnel et pour qu'il se remette de l'état de marginalisation qui l'a touché depuis le 14 janvier 2011 jusqu'à maintenant». La déclaration de l'Otim, confirme, d'autre part, l'échec des expériences des commissions à l'instar des deux commissions d'investigation sur les dépassements sécuritaires et sur la malversation et la corruption, dont la fiabilité des travaux est remise en cause. Une réforme judiciaire en crise Selon Ahmed Rahmouni, la réforme judiciaire n'a pas encore commencé et «elle vit une crise héritée du gouvernement précédent». «L'article 22 de la loi sur l'organisation provisoire des pouvoirs publics stipule la création d'une instance provisoire pour la magistrature. Cela n'est qu'une promesse et cette instance n'est pas encore constituée alors que 6 mois se sont déjà écoulés. De même, on se demande si elle sera créée en se référant à l'Assemblée Nationale Constituante ou à l'administration, comme c'était le cas traditionnellement ? Je pense que la réforme et l'assainissement de l'institution judiciaire sont une priorité et la condition de l'efficacité de la justice transitionnelle qui va recourir à des mécanismes judiciaires et autres non judiciaires. L'assainissement n'est pas la révocation de certains magistrats, elle concerne plutôt tout le système et tous les acteurs», ajoute-t-il. Concernant la révocation même, le président de l'Otim affirme que c'est le chef du gouvernement qui est autorisé à l'ordonner et ce à travers un décret. D'après lui ainsi que la déclaration de Bizerte de l'Otim, la situation de la justice en Tunisie n'est pas aussi catastrophique que certains voudraient faire croire à l'opinion publique. «Dans certaines expériences, explique Ahmed Rahmouni, on a opté pour les mécanismes de la justice transitionnelle à cause de l'effondrement du système de la justice traditionnelle, ce qui n'est pas le cas en Tunisie, même si cette dernière a joué un rôle dans les dépassements commis sous l'ancien régime». «Il y a un problème de confiance, certes, mais le processus de justice transitionnelle est un processus de la société civile et non du gouvernement. C'est cette question d'indépendance qui est relevée quant au travail des commissions régionales dites techniques, dont on ne connaît pas encore la composition et dont le travail devra prendre fin dans 5 mois pour donner une vision sur le processus transitonnel... Il faut consulter les magistrats en tant que représentants d'un pouvoir et non en tant qu'experts car cela limite leur indépendance», enchaîne-t-il. Un programme semestriel étoffé Les points évoqués dans la déclaration de l'observatoire tunisien de l'indépendance de la magistrature, ainsi que les propositions de l'observatoire concernant la réforme de la justice seront étudiés lors des prochains forums périodiques, meetings et séminaires scientifiques programmés par l'Otim lors du deuxième semestre de 2012. En effet, l'observatoire compte organiser un forum mensuellement à partir du mois de septembre, et ce, avec une alternance des participants entre experts du droit constitutionnel, membres de l'ANC et personnalités politiques. Le premier sera nommé «Destour» avec plusieurs conférences et ateliers. Le deuxième forum sera sur le thème «Citoyen et justice», lors duquel on s'étalera sur les relations entre le citoyen et la justice et le rôle du premier dans la réforme du secteur. Y participeront des associations citoyennes, des avocats, des magistrats et autres acteurs du système judiciaire. D'autres manifestations et meetings seront organisés à partir du mois d'août traitant des sujets relatifs au rôle de la magistrature dans la justice transitionnelle, la situation de la justice et les techniques d'observation et de documentation, l'administration de la justice : quel modèle à choisir, etc. De même, deux séminaires scientifiques figurent dans ce programme semestriel : «Les standards internationaux en matière d'indépendance de la justice» et «Le droit du citoyen vis-à-vis de la justice».