Par Ezzeddine Ben Hamida* Un gouvernement Jebali II n'est-il pas nécessaire afin d'éponger la grogne populaire et l'insatisfaction de certaines professions ? N'est-il pas urgent de repenser la coalition gouvernementale ? N'est-il pas plus judicieux et opportun politiquement, pour ce gouvernement pluriel, de procéder à une nouvelle répartition des portefeuilles ? La Troïka ne devrait-elle pas revoir le partage de certains ministères régaliens pour, justement, absorber le mécontentement de la population à l'égard de nos compatriotes conservateurs? Ennahdha, moins exposée aux critiques et à la réticence de ceux qui détiennent encore les leviers du pouvoir, ne regagnerait-elle pas en popularité ? Nos compatriotes conservateurs ne devraient-ils pas se désengager de certains ministères ? D'ailleurs, peut-on envisager durablement une coalition gouvernementale entre différents bords politiques sans partage des portefeuilles régaliens ? Ne peut-on pas envisager, par exemple, l'attribution du ministère de l'Intérieur à une personnalité du CPR, connue pour son attachement aux droits de l'Homme, et le ministère de la Justice à une autre personnalité d'Ettakatol, ayant les mêmes habitus que ses administrés ? Ces deux institutions sont, justement, mises à mal en ce moment par des critiques incessantes et une hostilité grandissante. Evidemment que M. Ali Larayedh ou encore M. Noureddine Bhiri sont des personnalités hors du commun, patriotes et compétentes mais, parfois, dans la vie politique, il faut faire preuve de discernement et d'esprit d'équipe : les hommes ne font que passer, alors que les idéaux des partis restent. D'ailleurs, M. Larayedh et M. Bhiri pourraient, dans le cadre d'un remaniement plus global, être affectés dans d'autres ministères. Notre approche se justifie par nos inquiétudes en tant que citoyens, après les tristes événements récents qui ne laissent rien de bon à présager, du moins à court terme ! Le moral de nos parents et de nos jeunes est en berne, à cause de cette atmosphère politique pesante et des conditions économiques écrasantes. Franchement, les Tunisiennes et les Tunisiens n'ont-ils pas raison d'avoir peur, d'être méfiants et d'appréhender avec crainte l'avenir ? Les cafés, dont d'ailleurs les villes regorgent, bouillonnent d'apprentis analystes et de sociologues de comptoir : chacun y va de son analyse. Entre ceux qui soutiennent la thèse conspirationniste judéo-maçonnique et ceux qui avancent le complot islamo-qatari... il y a de quoi se désintéresser de toute vie sociale et politique pour ne plus avoir à écouter de telles âneries ! A l'évidence, il y en a certains qui cherchent à orienter la révolution selon leurs intérêts, mais dire qu'il y a des conspirationnistes et des complotistes, c'est aller un peu vite en besogne ! En fait, c'est le jeu politique, c'est l'apprentissage de la démocratie. Les lobbys et les groupes de pression ont toujours existé et existeront toujours. Bonjour la démocratie ! Il convient donc, à mon sens, de procéder à un remaniement ministériel pour mieux désamorcer la crise sociale et politique que nous vivons. Le pouvoir politique n'a-t-il pas pour fonction primordiale d'éviter l'éclatement de la société, soit en imposant un ordre au sein de la société, soit en facilitant la conciliation des groupes éventuellement en conflit ? La solution apportée aux conflits peut principalement reposer sur la violence (cas d'une dictature : nous ne sommes plus dans ce cas de figure) mais peut aussi consister à élaborer en commun des règles de vie en société. On a alors affaire à un pouvoir politique démocratique. C'est notre cas : un remaniement ministériel est fortement souhaitable ! * (Professeur de sciences économiques et sociales)