Deux signaux forts ont été lancés lors du coup d'envoi, lundi dernier, de la 48e session du Festival international de Hammamet, la révolution et la femme. Ces deux thématiques qu'on retrouve dans le spectacle d'ouverture caractérisent, entre autres, cette année, la programmation du festival. Une soirée d'ouverture rehaussée par la présence de Mehdi Mabrouk, ministre de la Culture, et d'un public amateur de théâtre venu d'autres régions pour découvrir la dernière création du théâtre Phou Facebook. La première remarque à faire est que le traitement scénographique a subi des modifications pour être adapté à la scène du théâtre de Hammamet. A Mad'Art où la pièce a été conçue et montrée, l'espace se présentait sous la forme d'un couloir avec le public de part et d'autre. Des écrans étaient disposés des deux côtés du couloir, créant de la sorte deux espaces virtuels. Alors que sur la scène de Hammamet, le décor se présentait des deux côtés de la scène avec un écran géant au milieu et un autre moins grand un peu plus loin, ce qui donnait une vision frontale à l'ensemble. Une journée particulière L'espace de représentation est donc délimité, d'une part, par un espace supposé être l'appartement du journaliste et, d'autre part, par la carcasse d'une voiture placée à la verticale servant comme espace d'acrobaties et de jongleries à des comédiens danseurs. L'espace temps, quant à lui, est aussi délimité. Il s'agit d'une journée particulière, celle d'un certain 7 novembre 2010, journée symbolisant l'ex-régime de Ben Ali qui était célébré chaque année depuis 1987, date de l'accession au pouvoir de ce dictateur. Une parade est en vue. Une famille, dont la mère (Raja Ben Ammar) est le pivot central, se prépare pour sortir. Une télé diffuse les images d'un film d'Ettore Scola sur le fascisme. Dans l'appartement du dessus, un journaliste, enfermé comme dans son cocon tel un ver à soie, tourne en rond, tandis qu'à l'autre bout de la scène, une jeune fille, apparaissant en ombre chinoise, est préoccupée avec son ordinateur. Les références ou plutôt l'inspiration est claire. Elle nous rappelle le film italien. Une journée particulière d'Ettore Scola qui dénonce le fascisme. Dans ces quatre espaces éclatés représentant chacun un univers isolé, le couloir principal, délimité par des néons, est l'espace unifié, faisant allusion à la rue, où se rencontreront plus tard tous les personnages formant ainsi un bloc pour dégager une dictature qui n'a fait que trop durer. Mention à Raja Ben Ammar La pièce est du genre théâtre-danse dans laquelle se mêlent plusieurs expressions artistiques comme la danse, le cirque, le théâtre d'ombre, le théâtre sous sa forme classique, la télévision, le cinéma, l'installation, etc. Une sorte de polyphonie visuelle et sonore qui donne une dimension multiple à ce spectacle où, d'autre part, l'expression corporelle, chère à Raja Ben Ammar, transcende une réalité marquée par le soulèvement du peuple tunisien. La portée artistique est belle et bien réelle. Elle est incarnée dans des moments forts et sublimes pouvant parfois atteindre l'émotion. Raja Ben Ammar et Moncef Sayem forment un couple formidable. Elle, telle une bête sauvage s'agrippe à la vie de tout son corps. Ses danses, atteignant parfois la transe, sont d'une grande sensualité. Mention spéciale à cette comédienne exceptionnelle. Lui, masse solide accompagne sa partenaire, lui fait tourner la tête et le corps jusqu'au vertige. Et comme une traînée de poudre, ils entraînent dans leur sillage les autres protagonistes qui s'investissent à fond dans leur jeu. Que d'énergie dépensée dans cette fresque où la gestuelle remplace le mot pour raconter la colère d'un peuple, son indignation et sa révolte.