Le «sabar» (mot wolof pour désigner le tam-tam), un instrument quasi magique, a été le roi de la soirée de mardi à Hammamet, dont les gradins ont accueilli un public conquis. Doudou N'diaye Rose, le maître incontesté de cet instrument, est un percussionniste hors pair. Il a été aux côtés de Joséphine Baker, Miles Davis et les Rolling Stones dans les années 1960. Presque à la même époque, Maurice Béjart le propulse sur la scène internationale en lui proposant de se produire avec sa formation de 50 percussionnistes à Paris. Chef major-tambour des batteurs de l'Afrique de l'Ouest, il a sillonné le monde pour faire connaître la musique africaine, ses rythmes colorés et denses. Accompagné de 16 instrumentistes, le quinquagénaire, qui fêtera son anniversaire dans trois jours, ne manque pas d'énergie et de peps. Il paraissait plutôt en grande forme pour quelqu'un qui a traversé le continent pour atterrir sur la scène de Hammamet. Sans trop attendre, un avant-goût est donné par deux instrumentistes solistes, puis entrent en scène le reste de la troupe et enfin le patriarche, baguette en main, raide comme un fil électrique. Tous font parler leur «sabar» à coups de percussions sèches et vives. Et c'est à un déluge de notes africaines que le public a eu droit ce soir-là. Du rythme, rien que du rythme, incisif, foudroyant comme une décharge électrique traverse nos tympans. Le tambour major mène son monde à la baguette pour en tirer le nec plus ultra. L'ouvrage est difficile à exécuter. Il lui faut de la rigueur et de la discipline, ce dont les musiciens ne manquent pas, car leur chef ne leur autorise aucun écart. Il y a une entente parfaite entre l'ensemble du groupe qui n'est autre que la famille de Doudou, père de 43 enfants, dont nombre d'entre eux forment son orchestre. Malgré la rigueur qui caractérise leur musique, il existe une incontestable liberté de ton et un côté décomplexé dans l'exécution des morceaux, ce à quoi le public n'a pas été insensible. Loin de là... A propos de public et de la communion que l'artiste a installée avec lui, Doudou l'a confortée à la fin du spectacle, en invitant sur scène une spectatrice qui a interprété un refrain tunisien célèbre « Sidi Mansour ». Les percussionnistes l'ont accompagnée avec doigté, ce qui a réjoui l'assistance — des Européens et de jeunes Tunisiens, en majorité — qui a consacré à Doudou N'diaye Rose et à son groupe des ovations nourries. Après la représentation, le ministère de la Culture a tenu à rendre hommage au musicien légendaire déclaré par l'Unesco « trésor de l'Humanité », en lui remettant une effigie. Une belle soirée qui marquera sûrement les esprits.