Certains lieux de culte dans différentes régions du pays ont été occupés par des salafistes qui ont chassé les imams pour prêcher et donner des leçons en évoquant plusieurs aspects de la vie sociale. Le ministère des Affaires religieuses a jugé nécessaire de prendre les dispositions qui s'imposent en vue de rétablir l'ordre dans ces espaces fréquentés par toutes les catégories sociales des Tunisiens. Ces dispositions font partie, en réalité, de tout un programme de restructuration qui vise aussi à restructurer le ministère des Affaires religieuses avec toutes ses directions. Lors d'une rencontre avec des intellectuels, des universitaires et des communicateurs, organisée hier au ministère, M. Noureddine Khadmi, ministre des Affaires religieuses, a indiqué que cette rencontre fait partie d'une série de réunions organisées au cours du mois de Ramadan avec les différentes sensibilités nationales qui impliquent les parties politiques et la société civile. Le but est de dégager des idées pertinentes sur la base d'une pensée religieuse en vue de reconfigurer les structures et le contenu religieux, et ce, dans le cadre de la concertation avec toutes les parties intéressées. Une rencontre a déjà eu lieu avec les représentants des différentes parties politiques. Quand la corruption touche le dossier du pèlerinage De son côté M. Ali Ellafi, conseiller politique au ministère, a affirmé que la réforme des affaires religieuses ne peut se faire qu'avec l'implication de la société civile. Il a rappelé que ce secteur a été géré sous le régime de Bourguiba par une direction administrative avant de laisser la place à un secrétariat d'Etat puis, sous le régime déchu, par un ministère qui n'était en fait «qu'une administration sous la tutelle du ministère de l'Intérieur», selon l'orateur. En fait, après la révolution, les nouveaux dirigeants ont découvert que « le ministère » était constitué de simples fonctionnaires. L'un de ses objectifs principaux était d'identifier les fidèles qui font régulièrement leurs prières pour connaître leurs tendances politiques et leurs sensibilités et les rapporter aux services du ministère de l'Intérieur. Or le ministère doit avoir des missions beaucoup plus importantes d'autant plus que sa responsabilité concerne toutes les religions. Une nouvelle restructuration a commencé au niveau de ce département à la faveur de l'installation de directions régionales et l'annulation de la fonction du délégué des affaires religieuses. Des conférences ont été également organisées pour aborder des sujets d'ordre social, religieux et culturel. La réforme a concerné aussi le système de pèlerinage qui était touché par la corruption dans la mesure où le favoritisme était de mise. Pour ce qui est du choix des imams, des critères clairs ont été mis en place, à savoir la compétence. L'imam doit disposer de la licence en affaires religieuses pour pouvoir occuper ce poste. Il doit être bien accueilli par la population fréquentant le lieu de culte. L'orateur a indiqué, par ailleurs, que certains lieux de culte sont occupés par des personnes qui se présentent comme salafistes mais qui n'ont pas été désignés par le ministère de tutelle. Ainsi, 100 lieux de culte sont soit en situation administrative peu claire soit pris en charge par des intrus. Le ministère a constitué une commission regroupant les représentants des ministères de la Justice, des Affaires religieuses et de l'Intérieur pour constater les faits, discuter avec les occupants de ces lieux en vue de les rappeler à l'ordre. En fin de compte, des dossiers ont été constitués pour être présentés à qui de droit pour trancher. La loi doit être respectée par toutes les parties prenantes. Les intervenants à la conférence ont formulé plusieurs propositions comme, à titre d'exemple, la nécessité de privilégier un Islam modéré tenant compte des exigences culturelles et sociales de la nation. C'est que l'on a constaté que certains discours religieux n'étaient pas assez équilibrés et favorisent le défaitisme et le repli sur soi. Or le discours religieux doit participer à améliorer les conditions psychologiques des citoyens. D'où la nécessité d'organiser des sessions de formation au profit des imams dans le domaine de la formation psychologique. La Tunisie, qui dispose de 4.900 lieux de culte dont 65 construits en 2012, reste ouverte. Le ministère a compté 1.567 dossiers administratifs incomplets pour l'ensemble de ces lieux de prière. Face à ce vide, les salafistes ont trouvé un terrain propice pour intervenir et prendre en charge certains espaces, d'autant plus que le ministère ne disposait pas de directions régionales. En plus, quelque 500 prédicateurs n'ont pas subi de formation. Un intervenant estime que le lieux de culte – comme la Mosquée de la Zitouna – ne doit pas être un espace pour pratiquer la politique ou même distribuer des livres religieux relevant d'une tendance donnée. Le lieu de culte est appelé plutôt à regrouper les gens sur la base d'un discours rationnel autour de certaines valeurs nobles. Sous l'ancien régime, plusieurs imams mettaient en valeur dans leur discours religieux les bienfaits de la politique du régime. Les participants sont unanimes pour dire que le discours religieux doit être neutre, sans allégeance politique. Un intervenant a mis en cause la faiblesse du discours religieux vu le manque de connaissances de l'imam qui est obligé d'opter pour la pensée renfermée et négligeant tout esprit d'ouverture susceptible de traiter les problèmes actuels. Les affaires religieuses ne relèvent pas de l'Etat – qui est appelé à agir au niveau de l'application de la réglementation – mais concernent toute la société. La Tunisie qui a opté depuis des années pour un Islam modéré et ouvert n'accepte pas qu'un lieu de culte soit considéré comme une propriété privée.